Danse
Cinédanse : Samia Gamal danse sur le sable

Cinédanse : Samia Gamal danse sur le sable

19 June 2021 | PAR Nicolas Villodre

La magnifique exposition que l’Institut du monde arabe consacre actuellement aux Divas nous fait songer à l’apparition écranique, en 1942, de la danseuse orientale Samia Gamal (1924-1994) que nous avons eu plaisir à rencontrer à Paris et à voir sur scène, en 1987, à Châteauvallon.

Casino Badia

Samia Gamal, d’après le beau catalogue publié par l’IMA et les éditions Skira, débuta sa carrière très jeune, en 1935, dans la troupe cairote de Badia Massabni, où elle eut à concurrencer la fameuse Tahiyya Carioca. La danse pratiquée chez Badia est qualifiée par les spécialistes de sharqî, une forme qui était apparue à la fin du XIXe siècle et a longtemps été qualifiée en France de “danse du ventre” – de fait, elle a été reliée par certains anthropologues aux rites de fertilité.  Elle est très en vogue de nos jours aux États-Unis, et plus particulièrement en Californie, où des milliers d’adeptes pratiquent ce qu’ils continuer d’appeler “belly dance”.

La chanteuse et danseuse levantine Badia Massabni débarqua au Caire en 1921 avant d’y pouvoir créer un lieu de divertissement, “domaine auparavant réservé aux hommes”, qui prit la dénomination de Casino – ce terme étant alors appliqué dans nombre de pays méditerranéens aux cafés, aux caf’concs et autres cabarets, pas nécessairement aux salles de jeux. Badia chorégraphia des numéros orientaux qui étaient, aussi ou avant tout, de variété, “mélangeant tradition populaire et danses du monde”.

Danse sur le sable

Nous devons la découverte de ce court métrage très rare à Jean-Marie Bonnafous, gérant des Films Régent, des Films Régence-Algérie et des Archives Jacques Haïk, qui fut, lui, un pionnier en France du cinéma et du spectacle : producteur, distributeur, rénovateur de la salle de l’Olympia, créateur du Grand Rex qu’il fit construire dans le style art déco du Radio City Hall de New York. L’ami Bonnafous détient un contretype et un positif 35 mm de ce qui est la deuxième prestation chorégraphiques filmée de Samia Gamal après sa figuration de moins d’une minute dans Intissar el Chabab (1941) d’Amed Bradrakhan. Danse sur le sable fut produit par la société Misr, si l’on en croit le registre public du CNC. Il fut scénarisé et réalisé en 1942 par un des plus grands cinéastes égyptiens, Salah Abou Seif. 

L’un des intérêts de la bande est qu’elle fut tournée en dehors studio, dans un camp de nomades d’Arabie reconstitué dans une zone désertique. La danse est captée en plan séquence, historiés de gros plans d’hommes fascinés par la danseuse. Les mouvements de caméra s’accordent avec le style ondulant, gracieux et souriant de celle-ci. Une forme de variations qu’on retrouvera tout au long d’une carrière cinématographique de plus de deux décennies, et qui culminera avec le long métrage en couleurs Ali Baba (1954) de Jacques Becker. Peu de temps après la sortie de Danse sur le sable, Samia Gamal forma un couple, à la vie comme à l’écran, avec l’auteur-compositeur, joueur d’oud et vedette de la chanson arabe, Farid El Atrache. L’une des comédies musicales les plus réussies du duo faut aussi partie du fonds Régent : il s’agit de Madame la diablesse (1949) d’Henry Barakat. L’ensorcelante danseuse y tient le rôle-titre.

Visuel : Samia Gamal, Patrick Bensard et la monteuse Renée Lichtig, 1987 © coll. Nicolas Villodre

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