Danse
À Montpellier Danse, l’hypnose des boucles de Pierre Pontvianne

À Montpellier Danse, l’hypnose des boucles de Pierre Pontvianne

02 July 2023 | PAR Gerard Mayen


Dans la pièce œ, sept danseuses et danseurs déroulent à l’infini une fluctuation de l’austérité sereine, de l’évidence discrète, protectrice

On pourrait longtemps s’interroger sur le titre œ, que Pierre Pontvianne a donné à sa toute dernière pièce, créée au Festival Montpellier Danse. De la part de ce virtuose de la pensée virevoltante, voici une double lettre que l’on serait en peine de prononcer pour elle-même, la laissant donc toute ouverte à une fuite du sens, au fil d’une liaison affirmée pour elle-même, sans qu’il faille se soucier des termes mêmes qui s’y lient. C’est assez deleuzien.

Sept interprètes, quatre hommes, trois femmes, debout, s’y exposent d’abord assez frontalement, fixés dans une variation d’intensité de lumières, qui les suspend entre apparition et disparition. Ils évolueront sur fond de frémissement sonore de la diversité bruissante des activités du monde, comme perçue au lointain, très atténué. Cela se transperce, de loin en loin, d’un grand fracas sismique. À chaque fois, l’accumulation de leurs présences se produit au plateau pendant un noir. D’abord l’une, puis deux, puis trois, etc. Tout dans le lien, disait-on.

Loin d’alourdir la situation, cette accumulation de l’évidence des présences creuse l’évidence d’un ailleurs amplifié. Toute une conjonction hypnotique relie fugitivement les un.es aux autres, dans une combinaison filante de gravitations sourdes, de réceptions amorties, d’échappées latérales, dans un entrelacs de boucles amorcées, de figures effacées, par quoi l’espace respire avant toute chose. Une danse d’accents, de coulés envoûtants, d’appuis caressants, quasi somnambulique, entre deux états, invente une radicalité de la délicatesse, dans des boucles d’élégances esquissées, ronde, jamais totale, emportée par le lâché pondéral, vers des horizons d’austérité sereine et de discrète évidence, où les êtres s’aimantent, pour mieux se séparer.

Rien ne s’impose, rien ne frappe. Devant la beauté révélée des êtres, devant l’énigme qui les lie et délie au point de les définir sans jamais les finir, l’esprit s’invite à méditer sur un monde flottant, protégé des violences, tenu et retenu par une algèbre fluide de trajectoires brèves, de suspensions attentives, sans rien du capharnaüm oppressant des actuels réseaux de contraintes et autres overdoses de l’accélération.

Bien évidemment, il n’est pas sûr que ce murmure corporel parle fort. Mais, il a semblé satisfaire à une certaine norme du bon goût reconnaissant, parmi les spectateurs réunis ce soir-là. C’était assez précieux.

Visuel : ©cieparc

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Gerard Mayen

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