Comédie musicale
Cabaret au Lido 2 Paris, un pari risqué…

Cabaret au Lido 2 Paris, un pari risqué…

01 December 2022 | PAR Pascal Gauzes

Pour annoncer la couleur de ce qui se veut être le futur Broadway parisien, le nouveau directeur artistique, Jean-Luc Choplin, du Lido, désormais 2 Paris depuis le rachat par Accor, propose pour les trois prochains mois – avant de grands travaux de modernisation de la salle mythique de revue – une nouvelle version, mise en scène par le canadien Robert Carsen, de la célèbre comédie musicale : Cabaret.

Un lieu mythique

Revenir ou découvrir pour la première fois la salle mythique du Lido, dans l’attente de son renouveau, génère forcément une certaine émotion. La puissance de l’affiche, présentant Sam Buttery – répéré il y a 10 ans dans The Voice UK – en Emcee version drag, et la volonté affichée du nouveau directeur de créer la rupture avec le passé de revue du lieu suscitent forcément de grandes attentes.

Si ce spectacle, succès planétaire, qui a fait les plus belles heures de Joel Grey, et reste indissociable de Lisa Minnelli dans sa version cinématographique, peut évoquer un univers festif avec sa fameuse chanson d’entrée : Wilkommen, Bienvenue, Welcome… il est en réalité l’adaptation du roman Adieu à Berlin publié en 1939 de Christopher Isherwood et raconte les amours d’une actrice anglaise, Sally Bowles, et d’un écrivain américain, Clifford Bradshaw, venus chercher la gloire et l’inspiration à Berlin. Ils se rencontrent au Kit Kat Klub, et leur histoire fleurit alors que tombe la République de Weimar. Cabaret est à la fois le lieu et le symbole de la montée du nazisme par un jeu de mise en abime parfaitement écrit. Les personnages évoluent dans des mondes parallèles entre ceux qui comprennent ce vers quoi l’Allemagne se dirige, ceux qui se voilent la face, et la grande majorité qui se rallie au Führer.

Une comédie musicale historique

Faire ce choix dans le climat politique actuel est donc lourd de sens, et l’on ne peut s’attendre qu’à une réelle prise de parti, qu’elle soit très critique ou pleine d’espoir. Et le début semble prometteur. C’est effectivement un.e maître.sse de cérémonie qui casse totalement les codes du lieu qui rentre en scène. Moulé.e dans une robe fourreau noire scintillante, Sam Buttery, maladivement surmaquillé.e et glabre en Doc Marteens compensées fait grand effet. On pourrait bien assister à une représentation iconoclaste qui permettrait de prendre conscience des enjeux politiques actuels, en s’interrogeant sur la possible transposition de l’Histoire des décennies plus tard. Malheureusement la disruption s’arrête là, pis, les images diffusées à la fin mélangeant sans filtre et hors contexte Hitler, Ping ou encore des manifestations françaises et internationales, montrent la légèreté, sur le coup quasi insoutenable de la réflexion sociétale de la mise en scène.

Les ingrédients d’une recette réussie

Les ingrédients qui font le succès des « musicals » sont la qualité des chanteurs, la magie des décors et l’efficacité de la musique. Malheureusement, dans la salle vieillissante du Lido, à l’acoustique dépassée, à la taille limitée – imposant à l’orchestre d’être scindé en deux – et le manque d’artifices du décor, les espoirs du début retombent rapidement. Ainsi lorsque les danseuses et les danseurs entrent en scène, aussi bons soient elles/ils, l’exiguïté confine à des chorégraphies très répétitives et si ramassées, qu’elles en deviennent parfois brouillonnes, voire dérangeantes (on tentera même de ne pas voir la triste et lourdingue allusion aux rapports « contre-nature » lors de la bascule politique).

Côté chant, bien que le cast soit rompu à l’exercice, on est souvent surpris par le manque de justesse, et l’absence cruelle d’émotions. La lecture de la partition se fait étonnement au premier degré, et il est difficile de savoir s’il on doit pencher pour un problème technique ou une mise en scène faite en trop grande hâte. Si certains personnages se défendent, Olivier Dench (Cliffortd Bradshaw) est juste et touchant, Lizzy Connolly (Sally Bowles) elle, est en permanence dans le sur-jeu, sans que cela n’ait vraiment de sens. Si elle emporte le public sur le titre phare, elle est loin de rivaliser avec celles qui ont pu la précéder dans le rôle.

De grandes attentes pour le futur Lido 2 Paris

Pourtant sur le papier, associer Choplin et Carsen était plus qu’enthousiasmant, et on peut voir à la qualité des lumières et des costumes (vraiment très réussis de Luis F. Carvalho) que ce n’est pas une question de budget. Ainsi ce qui pouvait être une entrée en fanfare se révèle plus être une gageure, ne réussissant pas à trouver, en si peu de temps, l’idée lumineuse pour réussir à rompre avec l’héritage du lieu, sans pour autant le renier. Cependant, puisque l’on parler de l’Histoire dans cette comédie musicale, il est essentiel de vivre les derniers instants de cette salle mythique en s’asseyant sur les chaises sur lesquelles la nuit parisienne a vécu ses grandes heures, et il faut saluer cette démarche de mémoire en attendant de retrouver un Lido 2 Paris entièrement rénové, qui, à n’en pas douter, sera le nouveau haut lieu de ce genre musical incontournable.

 

Cabaret, au Lido 2 Paris, 116bis Champs Elysées
Direction artistique : Jean-Luc Choplin
Mise en scène : Robert Carsen

Avec Lizzy Connolly (Sally Bowles) – Sam Buttery (Emcee) – Olivier Dench (Cliff Bradshaw) – Sally Ann Triplett (Fräulein Schneider, la logeuse) – Gary Owens (Herr Schultz) – Ciarán Owens (Ernst Ludwig) – Charlie Martin (Fräulein Kost)

Jusqu’au 3 février 2023, du mardi au samedi à 20h et 15h le dimanche
Réservations ICI

Photos : Julien Benhamou

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Pascal Gauzes
Pascal Gauzes est ingénieur agronome et diplômé de SciencesPo Paris, après avoir commencé sa carrière en marketing, il s'est orienté vers le monde de l'art et de la culture en dirigeant une galerie pour artistes émergents et en tant que directeur communication d'un musée parisien. Il collabore avec Toute La Culture depuis presque 10 ans.

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