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“Lemma”, la transe féministe de Souad Asla accélère le rythme d’Avignon

“Lemma”, la transe féministe de Souad Asla accélère le rythme d’Avignon

17 July 2018 | PAR Amelie Blaustein Niddam

La tournée de Lemma, créé en 2015 au festival international de la musique Diwan à Alger arrive en sauveuse au Festival d’Avignon et Là ! C’est de la musique, en lieu et place de Filles des Égyptien/nes.

L’une des chanteuses du groupe Bnt Al Masarwa est retenue en Egypte pour des raisons personnelles graves, on apprendra de la bouche de Souad Asla, que sa famille lui a interdit de partir.
Le Festival d’Avignon et “Là ! C’est de la musique” ont donc proposé en remplacement du concert initialement prévu Fille des Egyptien/nes, Lemma, création de la chanteuse algérienne Souad Asla. Lemma veut dire l’union, le rassemblement, la réunion en arabe.

Elle sont sept (Souad Asla, Hasna El Becharia, Zohra Kherabi, Aziza Tahri, Rabia Boughazi, Khedidja Anebi, Sabrina Cheddad, et Fatima Abbi) en tenues traditionnelles, elles viennent du petit village de Taghit, aux portes du désert. Elles tapent, dans leur mains, sur des percussions. Elles entourent Souad en tunique longue fluide, cheveux découverts. Elles sont donc huit à faire partie de ce groupe qui compte douze interprètes, toutes des femmes .

Elles jouent du « ferda » du nom d’un instrument très artisanal, un genre de tambour. Hasna El Becharia maîtrise la guitare électrique, Souad Asla danse pieds nus et les textes parlent de l’importance de la famille. Pour transmettre ces transes réservées aux hommes, elles prennent possession d’instruments réservés aux hommes. Il a fallu convaincre les pères, les frères , les maris de les laisser jouer. La plus âgée, Hadja Zaza qui a 74 ans est reine dans cet art qui se compose d’un chant aigu, au rythme marqué et très rapide, obsédant et envahissant .

Elles réactivent une musique qualifiée de ringarde par la jeune génération algérienne. Elles jouent le « Gnawa » , la transe des esclaves, interdites aux femmes. Depuis que Hasna El Becharia a obtenu de son père de pouvoir gratter les cordes de son Guembri, les filles s’en emparent

C’est ce qui s’appelle un voyage en Algérie sub-saharienne, le son qu’elles défendent résonne très fort avec les recherches de François Chaignaud, ici inversées : des gestes d’hommes dont les femmes s’emparent. Leçon de liberté dingue, d’autant plus forte qu’elle utilise le folklore le plus établi pour son combat .

Un temps très troublant au cœur du festival où par essence la musique est rare. Un spectacle fascinant qui, chez les habitués, provoquera cette fameuse transe. Pour les néophytes, il s’agira d’une révélation culturelle forte.

A voir (et entendre) le 3 décembre à Radio France et 7 décembre à Africolor. Lemma sortira prochainement sur le label Buda Musique

visuel : ©ABN

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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