Pop / Rock
Stuck in the sound : SURVIVOR, S’il n’en reste qu’Un !

Stuck in the sound : SURVIVOR, S’il n’en reste qu’Un !

16 March 2016 | PAR Aaron Zolty

 

Survivor (Sony Music entertainment), cinquième opus du quintette Stuck in the sound. Un truc très beau qui contient tout pour plagier l’œuvre épistolaire de Neal Cassidy, bandit et auteur, idole de la beat generation, qui mit le feu aux egos deKerouac, Ginsberg et Burroughs. Charmeurs, flamboyants et excessifs, les chefs de file du rock indépendant français livrent neufs titres à l’harmonie pop sans ponctuation loin du manifeste shoegaze – guitaristes regardant leurs pompes- de leurs origines sans rien lâcher de leur énergie immuable, devenant un mythe, au service d’une réalisation somptueuse, pleine culture. Quand l’énergie s’offre la musicalité. Une pop réussite.

Le rock en France… Pas de débat possible ni exception culturelle audible. Les origines anglo-américaines peut-être ? Sûrement, tant pour les groupes, les compositeurs que les auditeurs, les « suiveurs » et tutti frutti. Vivace ? Il le fut. Dix années magnifiques entre les cafés de Belleville et la scène Cascade de Rock en Seine, la très parisienne Flèche d’or pour les celles et ceux qui ont l’autoproduction au bout des doigts, mais pas que. Car, outre l’originalité musicale, encore faut-il être dans les starting blocks des Inrocks (CQFD), les interviews du Moov, de Ouï FM ou Nova. Encore faut-il faire partie des geeks aux multiples followers de Myspace, premier espace de partage musical, autoproduire ses EP dans sa propre boîte de production en attente de licence d’une Major ou d’un label plus modeste. A ces conditions nécessaires et suffisantes, par un beau soir de passage sur la scène de l’ancienne gare du 20ème arrondissement les résistants, les persévérants, les survivants étaient dans l’oreille d’un Directeur Artistique de Because, Discographe, V2, 5sept, Wagram. Ainsi fut-il pour the DO, Lily wood and the prick, Naïve new Beaters, Volver, We are Gush.

Mais quid des formidables Brooklyn, Fancy, The Parisians (drivés à l’époque par Yarol Poupaud), Plasticine, Neïmo, Pravda, Hopper, The Love Bandits, Radio Massacre, Nelson, Jad Wio, Red, Syd Matters, Tahiti Boy And The Palmtree Family, Los Chicros, Hey Hey My My ? Passés où ? De ces dix ans de début de vingt-et-unième siècle, restent… Les Survivors (comme le titre de leur album), les hyper énergiques enfants du son : Stuck in the sound. Rangés dans les Shoegazing bad boys à la façon grunge de Nirvana ou la quête du mur du son des Sonic Youth et Jesus and the Mary chains, les chefs de file de tout le mouvement indépendant du rock français reviennent avec l’album numéro cinq plus aérien qu’un parfum de Channel. Des vapeurs frontales harmoniques, engagées dans la mélodie et une fausse déconstruction, écrites comme le roman épistolaire d’un rocker du Havre matant chaque jour l’horizon menant aux US. Après le puissant Pursuit brut de décoffrage aux errances fantomatiques dans l’esthétique avec ce packaging proche d’unGhost Dog et du manga Ghost in a shellSurvivor dévoilent une unité faite de neuf titres simplement très beaux, d’une musicalité sans faille, même si parfois très référencée, par plaisir sûrement. Dans l’excessif, tout résiste et navigue sur le grand P du Pacifque avec des accents doux amers west coast. Loin de la proposition de départ du tout à l’énergie, il passe à l’héroïsme flamboyant des songs savantes et enlevées, voire lyriques façon Queen. Un risque ? Sûrement. Ca va chuchoter, peut être hurler et dénigrer et tous les fans de Cure et de Radiohead, de la ligne claire ou du bruit, de la gestuelle punk et des jeans déchirés, les nostalgiques no future de Libertines baudelairiens auront perdu la mémoire. Car, ne retient-on pas que le process des origines ? Et pourtant, The Clash produisit Sandinista, The Cure, Pornography, Radiohead Kid A et Amnesiac si proches de l’électro jazz. Comme si le passage à la musique classique dans sa composition, son rythme, sa recherche d’harmonie était une étape initiatique indispensable dans une démarche créative durable. Et, qu’un certain peuple rock, nostalgique voulut accoler à ses idoles une sacro sainte étiquette, celle de l’Indépendance, synonyme de loose. Un cercle où le premier qui sort une bonne chanson, voire populaire est banni pour haute trahison sous l’étendard des enfants perdus. Chaque époque musicale a connu ses sectarismes. Pour mémoire, certains grands compositeurs de musique classique contemporains sont passés à l’art de la musique de film. Peut-être avaient-ils ponctué leur travail de fin d’étude de composition d’un accord majeur dans une composition qui se devait obligatoirement sérielle. Et ainsi, furent-ils bannis des auteurs modernes et de la société savante des gens de musique. Chronique d’une mort annoncée. Celle de la modernité.

On pourrait croire avec neuf moments de désir intense d’être dans le lâcher prise du beau, du juste et du puissant, une explosion en oreilles sans unité. Dès la première écoute, hors la voix de Roger Daltrey, j’y trouve le goût de Tommy etQuadrophenia, albums concepts magistraux des The Who, avec la fougue de Who’s next, production mythique des mêmes Who. Une unité jouissive due à des titres simples, un son travaillé à l’excès, donc pensé comme un concept pop particulier à tout l’album qui ne fait pas l’erreur de mettre la voix au même niveau que les instruments façon english. Bien plus que plaisant, avec un « savoir balancer » les épisodes successifs de cette histoire musicale épistolaire, parfois cynique dans les textes, le quintette est surprenant. Cette délivrance ne fait ni l’abstraction des effets « droite gauche », des backlines façon U2 avec un choix de riffs épurés et existentiels, des basses typées Robert Smith (The Cure) ou John Entwistle (The Who), des envolées de voix exigeantes positionnées parfaitement et entrainantes rappelant parfois la technique magistrale d’un Freddy Mercury. Quant à la batterie ! Excitante et musicale comme savait l’être Keith Moon (batteur des Who et Alex Bruford (the Infadels). En tout état de grâce, le pilier de l’indépendance Rock est passé à une pop rock jamais lassante ou niaise (Non, je n’ai pas dit Toto !). Courageux ce pont dans lequel le titre Pop pop pop, faussement brutal, peut-être écrit d’un trait est un retour vers le futur mordant et tubesque, abandonnant le manifeste speed and furious, vertige indé manqué de ce début de vint-et-unième siècle.

Survivor est plus qu’une bonne surprise musicale. C’est un pont vers le plaisir musical sans étiquette intello bobo « noïsy, shoegaze, indé, trash ». Ce truc très très beau, nous rappelle que la musicalité l’emporte toujours. Au-delà de l’esthétique de l’attitude pour l’attitude. Cet album excessif, charmeur et flamboyant, comme celui d’un groupe de survivants à l’ancien temps, a tout pour indiquer que l’identité puissante des Stuck in the sound sera l’objet magnifique du prochain album. Peter Pan est mort. Vive la vie qui suit la survie. Et s’il n’en reste qu’un : Stuck in the sound, sur la route, collé à ce son qui n’est plus un cri.

Aaron Zolty

Visuel : (c)-Quentin-Caffier

Stuck in the sound, Survivor, sortie le 11 mars 2016. En concert à la Cigale le 5 avril.

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Aaron Zolty

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