
Duran Duran : Les princes de la new-wave romantique sous la voûte du Rex le 10 juin prochain
« All you need is now », le dernier opus des Duran Duran est l’occasion d’une tournée mondiale pour les vieux princes de Birmingham qui inventèrent le clip et le buzz avec “girls on film” en 1981, interdit à la BBC, leur offrant ainsi le top 5 des charts. Rythmique organique et samples de bruits, technologie de pointe synthétique et batterie électro, l’esprit des chansons pop-rock, la déferlante des fondateurs de la nouvelle vague, produit par le génie Mark Ronson, revient en force sur la scène après deux décennies de froid et d’albums sous silence.
« Dangereusement vôtre », l’un des pires James Bond donna paradoxalement l’une de ses meilleures bande sons : « A view to kill », titre original du film de 1985. Leurs auteurs : Duran Duran associés à l’immortel compositeur John Barry (en tête des titres de James Bond les plus écoutés derrière Shirley Basset et son Goldfinger ou Diamonds are forever, imbattables et à écouter sans modération). Mille neuf cent quatre-vingt-cinq, années glorieuses de la nouvelle vague, bourgeon exceptionnel du punk rock. Sa raison d’être s’explique par l’avènement de la technologie du synthétiseur et des ses claviers, l’arrivée des boîtes à rythme. Les machines de l’époque ont pour nom : Moog, Korg, Oberheim, Prophet 5, Roland. Tout groupe digne de ce nom, de la variété à la cold wave, avait un environnement mélodique synthétique dont le fleuron se nomma le DX7 et assura à Yamaha, une image de marque différente de celle d’un constructeur de bolides à deux roues. Ainsi, les guitaristes eurent une période d’ombre, dont le retour se fera avec l’explosion de l’inde rock (Nirvana, guns and roses). L’influence du dieu berlinois Kraftwerk (Autobahn) envahit le monde et donne sa force créatrice et conceptuelle au monde punk, qui rappelons-le ne durera que deux ans. Deux grands courants en naitront : la new wave et la nouvelle forme de musique après le rock, l’électro. La technologie et l’informatique furent le « yes future » du « no future » annoncé par les Sex Pistols. Ces deux postulats permirent également la naissance des labels indépendants dont les plus connus sont Mute records et Island records qui se nourrirent de la technologie et des mouvements world tels le reggae.
Nick Rhodes (claviers), John Taylor (basse) et son frère Roger Taylor (batterie de plomb) sont de retour, comme bien d’autres anciens pour lancer leur message musical aussi désespéré qu’épicurien : « All you need is now ». C’est extraordinaire tous ces vétérans aux coiffures surréalistes, initiateurs et fashion designers du siècle dernier qui nous délivrent leur sagesse dans des élans de savoir-faire aux accents mêlés de romantisme et de modernité techno. André Gide aimait à dire « Je méprise cette sorte de sagesse à laquelle on ne parvient que par refroidissement ou lassitude. » Heureusement, ce treizième album exulte, hurle, pénétrant nos tabous en pleine face. Il est tout de même expressif ce savoir-faire délicieux qui s’approprient les thèmes du jour. Nos pères ont-ils peur du monde à venir ? Seuls, parmi eux R.E.M. a répondu « Collapse into now » : la déconstruction.
Sous la férule de Mark Ronson (Robby williams, Amy Winehouse, Lily Allen, Christina Aguilera, Maroon 5, Kaiser Chief, égérie de la marque Zadig et Voltaire) le groupe familial s’en prend aux machines et les blâment, considèrent la femme moderne avec panique, appellent à l’aide, nous invitent à vivre pleinement et maintenant, philosophes. Boucle terminée avec le jardin de Voltaire. Le son est puissant, non sans rappeler la rythmique de leurs enfants XTC (Making plans for Nigel), les rythmiques simples de bruits comme leurs frères Dépêche mode et Talking Heads et les refrains pop comme leurs petits-enfants « Frankie goes to Hollywood ».
Le dernier clip en noir et blanc est à l’image de l’album, bien en pieds, de face, brutal, dans cette vague où ils s’installent sans surfer, direction les rivages de la popularité retrouvée. Leur tournée mondiale les emmènera de la grande Bretagne à l’Australie, de Hong-Kong à la Russie, de l’Espagne à la Pologne. Ils s’arrêteront le 10 juin au Rex, lieu idéal pour leur romantisme aux rythmes de notre temps présent. Il est bon d’avoir une étoile comme celle-ci dans la voûte bleue de notre salle art deco parisienne. Ils témoigneront pour ce mouvement qui porta le monde contemporain en musique avec, certes, des accents dépressifs, mais le rock a-t-il toujours été joyeux ? Dans une discothèque digne de ce nom, on conseillera Joy Division, Human League, Orchestral Manœuvre in the Dark, Siouxie and the banchees, Dead can dance, Adam and the ants, Ultravox et l’astre solaire The Cure. On en a grand besoin, c’est bon et c’est maintenant.
Pascal Szulc