Musique
Concert d’Ibeyi : 3 albums et une tournée mondiale

Concert d’Ibeyi : 3 albums et une tournée mondiale

07 February 2023 | PAR Farah Malaoui

Les déesses franco-cubaines ont ensorcelé l’Olympia vendredi dernier avec Yseult en Gest. Leur troisième album sorti l’année dernière, a lancé leur tournée internationale avec plusieurs dates en France dont Paris en final.

Un craquement d’allumette

En 2015, Lisa-Kaindé et Naomi Diaz sortent de l’ombre. Un premier album qui démarre par un craquement d’allumette, lance le phénomène Ibeyi. On découvre alors les jumelles (ibeyi en Yoruba) franco-cubaines de 28 ans, immergées dans le clip River. Sur un rythme lancinant, elles remontent à la surface pour couvrir des percussions de leurs voix fantomatiques. Le bata en forme de sablier, ce tambour sacré à la religion Yorba, est leur instrument de prédilection.

Les sœurs ont inventé un son. Elles puisent dans leur brassage culturel pour embraser les rythmes soul et jazzy, qu’elles font résonner avec des percussions africaines et qui contrastent avec une sonorité pop électro pour un rendu unique. Elles se sont imposées en trois albums et l’éventail de leurs nombreuses collaborations : Beyoncee, Orelsan, Benjamin Biolay,…  Elles tiennent au partage et à la diversité, signes intérieurs de richesse pour elles.

Dans leur troisième album, les sisters continuent d’explorer le rythme à travers les percussions, les arrangements, et leurs voix qui se jouent de la musicalité des mots. Dans différentes langues : anglais, espagnol, surtout en yoruba, cette langue d’origine africaine importée à Cuba, elles prodiguent leur héritage culturel. Toujours très personnelle, leur écriture incantatoire fusionne harmonieusement mantras, prières sacrées et messages engagés.

Vêtues d’eau et de feu

Deux créatures apparaissent sur la scène de l’Olympia scénographiée simplement avec deux estrades et un écran géant. L’une en rouge-oranger et l’autre en bleu-vert, ouvre les festivités sur un rythme tribal avec leur identité musicale si singulière. L’assemblée entière vibre comme un tambour, les hanches nous échappent, la magie opère immédiatement comme un filtre d’amour. Les auteures-compositrices-interprètes jouent, chantent, et dansent comme on improvise une soirée sur une plage cubaine. La performance libre, laisse toute la place à la complicité spontanée des jumelles. Souvent, elles s’arrêtent un instant pour balayer la salle du regard, et on a l’impression qu’elles chantent pour chacun d’entre nous. Si il est naturel de célébrer les morts pour convoquer les âmes des défunts, Ibeyi est bien ancrée dans la réalité de l’instant partagé, et se sert de sa musique pour véhiculer un feel good qu’elles voudraient universel.

En général seules sur scène, le duo était accompagné cette fois d’un batteur et d’un bassiste-claviériste. Le répertoire mixé des trois albums a offert un show puissant, avec des samples de disques et des vidéos intimes projetées sur un écran gigantesque. Yseult est apparue en Guest pour une célébration de déesses. Un trio émouvant et captivant, la salle était en communion retentissante.

Dialogue au firmament

Cœurs traditionnels, slam et spoken word insuflent aux chants mélodieux d’Ibeyi, une charge spirituelle d’un autre monde. Habitées par les esprits de la santeria cubaine, l’univers d’Ibeyi peuple l’invisible. C’est leur signature sonore. L’inquiétante étrangeté de l’art vaudou dialogue avec le Livre des morts des Anciens Egyptiens qui a inspiré le titre du dernier album.

 « Spell 31 » -Sortilège n°31-  s’adresse aux disparus de leur panthéon intime pour un éloge résolument mystique. Le rituel des jumelles s’adresse à leur père -le regretté percussionniste Anga Diaz, membre du groupe Buena Vista Social Club-, mais aussi à Prince, Roy Hargroove, Rémy Kolpa Kopoul qu’elles convoquent expressément… Elles savent invoquer les esprits, et leurs voix incandescentes nous font aimer l’obscurité.

Ibeyi c’est ça : 

 

Alex100 : “Me faire connaître, c’est mon ambition” (Interview)
“Grief and Beauty”, de l’euthanasie et du regard que l’on pose sur elle
Farah Malaoui

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration