Classique
Saison musicale des Invalides 2019-2020

Saison musicale des Invalides 2019-2020

10 October 2019 | PAR Raphaël de Gubernatis

Dans la cathédrale Saint-Louis, siège du diocèse aux Armées, une programmation éclectique, à nulle autre pareille en France, restitue à la musique la place fondamentale qu’elle avait sous l’Ancien Régime

Ce sont des concerts programmés par une équipe artistique, certes, mais subventionnés par l’armée française et des mécènes, et placés sous la direction d’un général de brigade ! D’un général dont le nom fleure joliment sa noblesse de province. Des concerts donnés dans le cadre grandiose de la cathédrale Saint-Louis, siège du diocèse Armées, ce qui leur confère un climat tout particulier et une grandeur certaine. Et qui vous vaut de contempler au premier rang du public un grand chancelier de la Légion d’Honneur décoré comme une châsse. Et avec lui tout un bataillon de généraux et d’officiers généraux qui donnent aux concerts un curieux air de soirée musicale dans une ville de garnison.

Le chantre de l’unité italienne

Cette XXVIe saison musicale des Invalides s’est ouverte en toute majesté sur le « Requiem » de Giuseppe Verdi, celui-là même qui avait été composé pour célébrer la disparition du poète Alessandro Manzoni, chantre de l’unité italienne, disparition survenue en 1873. Exécuté pour la première fois en l’église Saint-Marc de Milan le 22 mai 1874, un an après la mort de son dédicataire, et sous la direction du compositeur lui-même, le « Requiem » était repris dans la foulée au Teatro alla Scala et ensuite à Paris début juin, à l’Opéra Comique, et toujours sous la conduite de Verdi. Puis il fut donné à Londres, à Vienne, à Cologne, à Munich…Ce qui dit parfaitement combien cette messe des morts a tout d’un ouvrage héroïque, bien plus que d’une œuvre d’essence purement religieuse. Ou alors qu’elle est parfaitement représentative des fastes et des pompes de l’Eglise de Rome triomphante dans la seconde moitié du XIXe siècle et de l’emphase toute théâtrale des Italiens.

Des orchestres français

Si aux Invalides ne se produisent guère de phalanges de première grandeur, la saison musicale permet d’y découvrir des formations attachées aux régions françaises, à l’instar de l’Orchestre de Metz et bientôt de l’Orchestre d’Auvergne ou des Orchestres de Picardie ou de Bretagne, lesquels trouvent ici un port d’attache si difficile à trouver à Paris. Et ces orchestres viennent pour s’offrir dans la capitale sous leur meilleur jour. Cela a été le cas avec l’Orchestre national de Metz justement, sous la direction énergique et vibrante de Scott Yoo, qui a interprété le « Requiem » de Verdi avec une superbe maîtrise, appuyé par le choeur de l’Orchestre de Paris, proprement magnifique. Evidemment surexposés dans ce chant héroïque et funèbre, les quatre solistes, la soprano Teodora Gheorghiu, la mezzo Valentine Lemercier, le ténor Florian Laconi et la basse Jérôme Varnier, tous dotés de très belles voix, ont assumé leurs parties de façon certes inégale, mais avec assez de tenue et de panache pour s’en sortir avec honneur. On n’était pas dans ce « Requiem » en compagnie de Christa Ludwig, Elisabeth Schwarzkopf, Nikolai Gedda ou Nikolai Ghiaurov sous la conduite de Carlo Marie Giulini. Mais avec des artistes des plus honorables qui permettent à un public qui n’est peut-être pas celui des salles de concert de découvrir des œuvres majeures qu’il n’irait pas entendre ailleurs.

Un requiem viennois pour Louis XVI

Mais la saison des Invalides est aussi riche en découvertes. Et offre à entendre des formations très en vue comme le Concert spirituel dirigé par Hervé Niquet dans le célèbre « Te Deum » de Marc-Antoine Charpentier qui célèbre la victoire de Steinkerque sur les troupes de la Ligue d’Augsbourg. Mais encore d’autres partitions bien plus rares. Ainsi cet autre « Requiem » qui sera donné dans la cathédrale Saint-Louis, non pas le 21 janvier prochain, mais le 23, et qui fut composé à la mémoire de Louis XVI. On était alors en plein Congrès de Vienne. Et Charles Maurice de Talleyrand-Périgord, ci-devant prince de Bénévent du temps de Napoléon 1er et devenu prince-duc de Talleyrand par la grâce de Louis XVIII, commanda ce requiem à un compositeur autrichien aujourd’hui obscur, mais alors fort connu, Sigismund von Neukomm. C’était une façon de faire sa cour au frère et successeur du roi martyr et de réaffirmer le retour de l’Europe aux valeurs de jadis. La « Missa di Requiem en ut mineur» fut ainsi créée le 21 janvier 1815 devant tous les princes alors présents à Vienne et les diplomates venus de toute l’Europe pour participer au Congrès.
Ce sera probablement une découverte plus intéressante sur le plan historique que musical. Mais une découverte tout de même, de celles qui font l’intérêt des concerts des Invalides.
D’Azincourt à Waterloo

Car il y a une foule d’autres propositions dans cette programmation qui a pour elle d’être originale, sinon unique en France. Tout un ensemble de musiques liées aux guerres menées par la France, d’Azincourt à Waterloo, en passant par Marignan, avec l’ensemble Jannequin. Des « Valses » du compositeur André Caplet devenu soldat durant la Grande Guerre et créées par un quatuor de musiciens enrôlés sous les drapeaux, dit le Quatuor du général Mangin. Des airs de Lully, extraits de ses tragédies lyriques, interprétés par Amel Brahim Djelloul, soprano, et Jean-François Lombard, haute-contre, sous la conduite de Jérôme Correas à la tête des Paladins. Des symphonies de Mozart ou Schubert, des concertos de Tchaïkovsky, de la musique vénitienne, des cantates de Bach, des compositions pour harpe exécutées dans le cadre plus intime du Grand Salon qui surplombe le porche monumental de l’Hôtel des Invalides. Mais encore le comédien Didier Sandre accompagné du claveciniste Olivier Baumont, du violoniste Julien Chauvin et des musiciens de la Loge Olympique, évoquant l’histoire des Invalides (l’institution aura 350 ans en 2020) sur des partitions de Lully, Marais, Philidor, Grétry ou Gossec. Ou plus politique et plus tragique, un quintette de musiciens jouant des musiques de Gideon Klein, mort en déportation, ou de Jacques Ibert, censuré par le régime de Vichy. Pour les nostalgiques de l’époque gaullienne, « La Parole du Général » fera revivre en juin 2020 discours et écrits du général De Gaulle, entrecoupés de compositions de Bizet, Fauré, Debussy, Poulenc, Messiaen ou Dutilleux, afin de saluer le 80eme anniversaire de l’Appel du 18 juin.
Aux Invalides, la Musique ne saurait décemment oublier l’Histoire.

Raphaël de Gubernatis

Saison musicale des Invalides
Hôtel des Invalides, 129, rue de Grenelle, Paris VIIe
musee-armee.fr ou [email protected]
tarifs moins de 26 ans, handicapés et solidarités : 8 euros. Places à 10, 15, 30 ou 35 euros. Moins 20% à partir de trois concerts.

Visuel : © Paris, musée de l’Armée / Anne-Sylvaine Marre-Noël..

Nil Yalter au Mac Val : une exposition crue et nécessaire
L’agenda des vernissages du 10 octobre 2019
Raphaël de Gubernatis

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration