
“Les sept dernières paroles du Christ en croix” : Haydn et Herreweghe nous ont fait entrer dans la grâce de la Semaine Sainte au TCE
Alors que Pâques approche (lundi 28 mars 2016), les programmations classiques parlent volontiers de la Passion de Christ. Moins célèbre que La Création ou Les Saisons, Les sept dernières paroles du Christ en croix est un oratorio à la fois intime et solennel composé par Haydn en 1787. Philippe Herreweghe, l’orchestre des Champs Elysées et le Collegium Vocale Gent en ont donne une version vocale, sobre et impressionnante, ce mercredi 16 mars 2016 au Théâtre des Champs Elysées.
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Commandé à Haydn justement pour la semaine sainte par un chanoine de Cadix, ne Espagne, alors que le compositeur vivait en Hongrie, l’oratorio est une méditation inspirée sur 7 paroles du christ sur la croix, encadrée d’une ouverture instrumentale puissante et d’un final de chœurs bouleversant. Très élégant, très immobile et complice avec son Collegium vocale qu’il dirige par peu de gestes, Herreweghe est un homme de musique : il n’a pas dit un mot entrant tout de suite dans le vif solennelle du sujet avec une ouverture tragique mais menée sur un rythme rapide et sans aucun larmoiement.
Les 4 premières paroles se sont enchaînées comme autant de réflexions profondes et non tranchées. Aussi bien dans le “Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font” que dans le “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné”, l’apitoiement n’est pas de mise, ni dans le texte, ni dans la musique et, alors que la fin du Christ approche, on sent déjà à chaque instant le souci d’être à le hauteur de la passion et la promesse du salut. La voix magnifique de la basse, David Soar a conféré à cette première partie des 7 dernières paroles un solennité pure et simple.
Après une brève pause, et aucun besoin d’accorder à nouveau des instruments parfaitement prêts, la deuxième moitié de l’oratorio était beaucoup plus tragique, avec un ouverture musicale toute en bois du “J’ai Soif de Jésus” et une série de pizzicati d’appel à la douceur et au refus de la vengeance. Dans le grave et ardant “Tout est accompli”, la soprano Sarah Wegener a pu briller en annonçant très clairement la Justice, et “Père entre tes mains” ainsi que le tremblement de terre final sont arrivés comme une conclusion directe et presque suave de cette interprétation pure et resserrée.
Hypnotisé et d’une attention particulièrement généreuse, le public a pu se remettre à respirer quand Philippe Herreweghe a relevé les mains pour saluer et faire saluer longuement ses musiciens. Un moment de grâce qui a plongé tous les mélomanes, catholiques, croyants, ou ni l’un ni l’autre, dans une réflexion profonde et une reconnaissance universelle.
visuel : portrait de P. Herrweghe.