Classique
[La Folle journée de Nantes] Félicien Brut et Julien Martineau, un duo délicieusement insolite

[La Folle journée de Nantes] Félicien Brut et Julien Martineau, un duo délicieusement insolite

12 February 2019 | PAR Victoria Okada

Du 30 janvier au 3 février dernier, Nantes est devenu, comme chaque année, un grand centre de la musique classique. Le thème de cette année, « Carnet de voyage », qui fait suite à celui de l’année dernière portant sur l’exile, est propice pour cette ville portuaire qui a connu et continue à connaître de nombreux voyageurs. Pendant le week-end, quelque 50 000 personnes se sont embarquées dans le vaisseau nommé Cité des Congrès pour une aventure musicale fabuleuse et intense.

Félicien Brut et Julien Martineau, un duo délicieusement insolite

L’accordéon et la mandoline : qui aurait pu imaginer un duo avec ces deux instruments peu communs ? Félicien Brut et Julien Martineau, qui mène chacun une carrière fulgurante depuis quelques années, réalisent donc pour cette occasion un duo inattendu. « Nous formons une confrérie des instruments bizarres ! » lance l’accordéoniste avant de se lancer, dès 11 heures du matin, dans trois quarts d’heure de concert éclectique. La combinaison est pourtant harmonieuse, et la matinée se déroule dans une atmosphère extrêmement conviviale et amicale, grâce à l’humour des deux artistes qui font la franchise leur arme.

L’Italie occupe une place de choix, d’une part parce que la mandoline est un instrument italien par excellence, mais aussi parce que l’accordéon moderne, bien qu’inventé à Vienne, a en grande partie été fabriqué en Italie. Ainsi, pour commencer, nos musiciens offrent The Godfather suite de Nino Rota, un pot-pourri de musiques composées pour le célèbre film Le Parrain. Le ton est donné : certains auditeurs fredonnent les mélodies en arborant un grand sourire. Suit le Concerto pour mandoline en ut majeur de Vivaldi, avec la partie d’orchestre transcrite pour accordéon. Félicien Brut n’hésite pas à jouer avec des clichés pour présenter l’œuvre, en évoquant la mélodie d’une messagerie téléphonique, la pâte… Cela prend un aspect d’un talk show et les auditeurs deviennent plus réceptifs à la musique, toujours interprétée avec brio. Nous entendons ensuite deux pièces de Raffaele Calace (1863-1934), Mazurka op. 141 et Boléro op. 26. Julien Martineau est certainement LE meilleur ambassadeur actuel de ce compositeur méconnu qu’il nous fait découvrir à chaque occasion qui se présente. Calace a apporté de nombreuses innovations non seulement au répertoire mais aussi à l’instrument, pour pousser la virtuosité à l’extrême dans une écriture restée très classique. Ces deux pièces, bien que courtes, montrent cet aspect au premier abord contradictoire que l’interprète met éloquemment en accent, tout comme La Danza de Rossini au rythme fiévreux de tarentelle, un arrangement de la chanson du même nom (huitième pièce des Soirées musicales).

On quitte ensuite l’Italie pour la Roumanie, avec les Six Danses populaires roumaines de Bartok. Les pièces connaissent toute sorte de transcription, mais celle pour l’accordéon et la mandoline est certainement inédite, d’ailleurs ingénieusement réalisée. Différents accents sont bien rendus par les deux instruments, comme si on parlait des dialectes, même si par moments la mandoline a tendance à être quelque peu couverte par l’accordéon. Après un bref retour dans le pays de botte avec la Valse fantastique d’Enrico Marucelli (1873-1901), un compositeur florentin, on part en Russie (un autre pays de l’accordéon) pour écouter la balalaïka (exprimée par la mandoline) et orchestre (partie tenue par l’accordéon), dans L’Hiver d’Anton Chalaïev.

Chaque pièce a un caractère propre, très différent des autres, et les sonorités et les couleurs infiniment variées que produisent nos deux musiciens y sont si bien adaptées que cela suscite un grand enthousiasme de la salle, qui les salue avec une ovation debout qu’ils méritent à juste titre.

Ce fut le concert le plus chaleureux parmi une quinzaine auxquels nous avons assisté, un véritable coup de cœur !

Le dimanche 3 janvier à 11 heures.

photos : Julien Martineau © Jean-Baptiste Millot ; Félicien Brut © Manuel Braun ; photo de la une © Agence Ysée

Une Gioconda flamboyante et sans concession à la Monnaie de Bruxelles
James Blake « Assume Form » : la beauté et le spleen de ce nouvel album méritent une attention particulière.
Victoria Okada

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration