Chanson
Alela Diane : “L’Europe est le lieu où j’ai trouvé mon public”

Alela Diane : “L’Europe est le lieu où j’ai trouvé mon public”

20 October 2022 | PAR Lucine Bastard-Rosset

Le 14 octobre dernier sortait Looking Glass , le sixième album de la chanteuse californienne Alela Diane. Toute la Culture a eu la chance de l’interviewer sur son parcours artistique. 

 

Pour commencer, je souhaitais revenir rapidement sur votre parcours artistique. Vous réalisez votre premier album – The Pirate’s Gospel – en 2004. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans la musique et à créer cet album ?

Quand j’ai enregistré The Pirate’s Gospel avec mon père en 2004, je n’avais aucune idée de l’endroit où cela me mènerait. J’avais seulement commencé à écrire des chansons et j’ai donc demandé à mon père de les enregistrer pour moi. Nous avons tous deux été très surpris quand ces premières chansons m’ont amenée à débuter ce qui allait devenir une carrière de presque vingt ans aujourd’hui.

 

Votre nouvel album Looking Glass est né à la suite d’événements climatiques qui vous ont fortement impactée et qui ont fait naître chez vous une angoisse. Pourriez-vous revenir sur la genèse de cet album s’il vous plaît ? 

Pour être précise, il y a deux chansons dans Looking Glass qui font directement référence au climat – “Howling Wind”, qui renvoie aux feux de forêts qui ravagent la côte ouest des Etats-Unis chaque été désormais, et “Paloma”, où je chante parle d’un orage violent que j’ai vécu au Mexique. Ces évènements météorologiques et l’instabilité des systèmes que nous créons ont sans nul doute inspiré ces deux chansons. Le reste de l’album regarde vers l’arrière et l’avant à travers le prisme de la vie quotidienne – certaines chansons sont influencées par la pandémie, d’autres impactées par des personnes que j’ai connues, les personnes que j’ai été et les expériences que j’ai traversées. 

 

La musique est-elle pour vous un moyen d’exorciser vos angoisses ? 

La musique est un moyen pour moi de transformer ma vie et de travailler sur les parties les plus dures. Je n’ai pas beaucoup de démons toutefois. 

 

L’écriture de vos chansons – et cela depuis les premiers albums – est marquée par une forte mélancolie. Que représente ce sentiment pour vous ? Où vous mène-t-il ? 

Je pense que la perception que je dois être mélancolique existe parce que je fais ce genre de musique. Ce n’est pas du tout le cas cependant. Les chansons sont le lieu où je peux y déposer mes sentiments les plus sombres. De cette façon, je n’ai pas à les porter en moi. 

 

Dans votre nouvelle chanson “When we believed”, vous revenez sur votre vie de jeune musicienne. Y-a-t-il une grande différence entre l’Alela Diane d’il y a 10 ans et celle d’aujourd’hui ?

Bien que je me connaisse bien depuis le jour de ma naissance, et que je sois toujours la même Alela Diane, la saison de la vie dans laquelle je me trouve actuellement est bien différente de celle d’il y a dix ans. Je ne voyage plus aussi souvent que je l’ai eu fait et j’ai un autre but en dehors d’être une artiste : je suis une mère. J’ai beaucoup évolué et je suis plus profonde depuis que je suis devenue mère. La maternité implique tellement de nombreux sacrifices personnels et constitue une telle leçon d’humilité que je dois trouver du temps pour faire mon travail. Je dois écrire mes chansons durant les heures d’école, ce qui est une façon bien différente de travailler de celle dont j’avais l’habitude lorsque je suivais le processus d’une chanson à n’importe quel moment de la journée. 

 

On peut d’ailleurs relever une véritable évolution dans votre musique : The Pirate’s Gospel est une autoproduction tandis que Looking Glass est produit par le célèbre Tucker Martine. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ? Cette reconnaissance vous est-elle importante ? 

Ma carrière musicale a incontestablement été un voyage. The Pirate’s Gospel présente certaines des premières chansons que j’ai écrites, et j’ai fait cette album sans savoir s’il allait rencontrer une audience. Comme j’ai évolué en tant qu’auteure-compositrice et en tant que musicienne, c’est  merveilleux d’élargir mon horizon à chaque fois que je fais un nouvel album. Travailler avec Tucker a été merveilleux et a aussi constitué une sorte de prolongement et d’ouverture de tout le travail que j’avais fait jusque là. Il m’a aidée à donner vie à la vision que j’avais fabriquée dans les démos de ces chansons, et ma chère amie, Heather Woods Broderick, a fait des arrangements formidables pour de nombreuses chansons de Looking Glass.

 

Vous expliquez que le titre Looking Glass “exprime un passage vers le passé et le futur et une réflexion sur ce qui se trouve dans l’entre-deux”Pourriez-vous nous expliquer ce que vous entendez par là ? 

Looking Glass ne fait pas seulement référence à la réflexion d’un miroir mais aussi au sens de la phrase de Lewis Carroll – “Things are not what they seem” (“les choses ne sont pas ce qu’elles semblent être”) – et à la métaphore du monde lorsqu’il devient soudainement inconnu. Ces quelques dernières années ont été ressenties de cette manière. Cela fait également référence à la façon dont nous sommes de nos jours connectés/déconnectés les uns des autres avec l’usage des technologies. Le vers “as we stumble through the Looking Glass of screens” (“pendant que nous trébuchons à travers le miroir des écrans”), tirée de ma chanson “Mother’s Arms”, renvoie à cette signification là sens.

Dans “Strawberry Moon”, le vers important a ligne de pont est “I had a dream that you were young again / looking like you did before your mama died / and in my dream, you held me to your chest /  now you’re a flicker in the Looking Glass” (“J’ai rêvé que tu étais à nouveau jeune / que tu ressemblais à celui que tu étais avant la mort de ta mère / et dans mon rêve, tu me serrais contre ta poitrine / maintenant tu es un scintillement dans le miroir”). Ce textes a été écrit après avoir retrouvé en ligne des amis et des relations amoureuses de mon passé avec la mauvaise surprise de découvrir “à travers le miroir” qu’ils étaient soit morts soit perdus et méconnaissables à la suite d’une dépendance à la drogue. C’est sombre, je sais. 

 

Vous avez joué  mardi dernier au Café de la Danse à Paris et le concert affichait complet depuis déjà quelque temps. Cette reconnaissance que vous avez à l’internationale vous est-elle particulièrement chère ? Qu’est-ce que cela vous fait-il de savoir que votre musique est écoutée dans différents pays du monde ?

J’étais honorée de venir à Paris et de jouer pour des personnes qui apprécient ma musique. Si je pouvais jouer pour des concerts qui affichent complets dans mon propre pays, je le ferais, mais pour aller savoir quelle raison, l’Europe est le lieu ou j’ai trouvé mon public . C’est donc ici que je viens chanter.

 

Pour terminer cette interview, je voulais vous demander si vous aviez déjà pour projet de réaliser un septième album. 

Depuis un an, je me suis occupée de retaper notre maison victorienne de 1892 et je n’ai pas écrit depuis, même si j’ai appris à utiliser des outils électriques. Une fois que le sol en bois de mon nouveau studio sera installé le mois prochain, je devrais être en mesure de me remettre vraiment au travail…. et puis…je dois également faire accorder mon piano ! Une chose à la fois !

Alela Diane sera de nouveau en concert en février au Trianon.

Visuel : ©Anna Caitlin

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Lucine Bastard-Rosset
Après avoir étudié et pratiqué la danse et le théâtre au lycée, Lucine a réalisé une licence de cinéma à la Sorbonne. Elle s'est tournée vers le journalisme culturel en début d'année 2022. Elle écrit à la fois sur le théâtre, la musique, le cinéma, la danse et les expositions. Contact : [email protected] Actuellement, Lucine réalise un service civique auprès de la compagnie de danse KeatBeck à Paris. Son objectif : transmettre l'art à un public large et varié.

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