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“Traverser la cendre” de Michel Simonot

“Traverser la cendre” de Michel Simonot

03 October 2021 | PAR David Rofé-Sarfati

Michel Simonot a écrit un recueil de poésie pour tenter de dire l’indicible : le traumatisme de l’extermination des Juifs d’Europe par l’Allemagne nazi. Traverser les cendres s’essaye à traverser le trauma. En vain.

Michel Simonot, né en 1943 est un écrivain, metteur en scène, et sociologue français. Il est aussi critique de théâtre. On le connait surtout pour sa pièce : Delta Charlie Delta qui a pour sujet la soirée du 27 octobre 2005 à Clichy-Sous-Bois et la mort par électrocution de deux jeunes enfants Zyed et Bouna fuyant la police. Le texte à charge contre les policiers, relaxés depuis, explore, en mêlant différents types d’écritures (documentaire, poétique, de fiction) le choc émotionnel. Il y fait le choix d’un traitement quasi religieux ou mythologique du traumatisme. 

Le traumatisme est son sujet

Pendant l’extermination, ceux qui maintenant sont morts se sont soulevés, ils ont écrit, enterré leurs récits, caché les livres : leur résistance face à la déshumanisation. Pour demeurer vivants. Par les mots. Après l’extermination, c’est au témoin de prendre la parole. En s’adressant, par-delà la Shoah, à tous les massacrés, Michel Simonot interroge le rôle du témoin, loin de tout pathos, et invite le mort à prendre part par lui-même à ce qui s’énonce dans une fiction poétique qui suit le récit et l’exposition brute de faits.

Michel Simonot tente de saisir l’indicible.

Le livre se lit la nausée au bord des lèvres, car il raconte froidement la barbarie. Il y a des livres qui sont à lire d’une traite, d’autres à exposer dans sa bibliothèque. Le livre de Simonot est de ceux qui se parcourent par petits bouts, évitant que la douleur de la lecture déborde de l’aigreur et de l’acidité des mots. Le traumatisme nécessite du temps pour être introjecté. Le recueil est un livre à conserver car il est un souvenir béni des millions de morts et nous avons besoin de le savoir caché au milieu de sa bibliothèque.

Simonot donne aussi, maigre optimisme, la longue liste des révoltes avortées de victimes ne voulant se résoudre à être consentantes. Simonot raconte aussi l ‘aventure de ce photographe enterrant son appareil photo pour les générations suivantes. Nous comprenons :  La Shoah n’a transformé aucun mort en martyr. Chacun est et restera à jamais une victime seulement et le devoir de mémoire, d’une mémoire au plus près de la réalité,  est consubstantielle de la catastrophe.

 

Une poésie sur la Shoah est elle possible?

La Shoah demeure pour toujours un sujet tabou à celui qui l’attrape sans respect ni dignité. À chaque oeuvre produite et présentée se pose la question philosophique de la monétisation de la solution finale; à chaque texte, à chaque pièce de théâtre, film ou bande dessinée nous sommes confrontés, tous, à la question désagréable de la marchandisation du devoir de mémoire. Michel Simonot aborde le néant sans l’instrumentaliser. En évoquant en fin d’ouvrage l’antisémitisme de Jean Genet il sait rompre avec  son camp. En cela il est contributif du devoir de mémoire et du devoir de vigilance : Plus jamais ça

Michel Simonot, Traverser la cendreed. espaces 34, 13,50euros, 64 pages. 

visuel : couverture du livre

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David Rofé-Sarfati
David Rofé-Sarfati est Psychanalyste, membre praticien d'Espace Analytique. Il se passionne pour le théâtre et anime un collectif de psychanalystes autour de l'art dramatique www.LautreScene.org. Il est membre de l'APCTMD, association de la Critique, collège Théâtre.

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