
« La vie du bon côté » de Keisuke Hada, un plaisir gâché par une traduction décevante
Court roman au sujet brûlant, « La vie du bon côté » du japonais Keisuke Hada aborde intelligemment la question de la fin de vie.
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Né à Tokyo en 1985, Keisuke Hada écrit depuis l’âge de dix-sept ans. Son premier roman « Eau sombre et glacée » (inédit en France) rafle le prix Bungei. Dix livres plus tard, c’est le prix Akutagawa (particulièrement prisé au Japon) avec « Scrap and build » aujourd’hui traduit par Myriam Dartois-Ako sous le titre « La vie du bon côté ». Le livre a paru cette rentrée littéraire aux Éditions Philippe Picquier.
Kento a vingt-huit ans. Sans emploi, il vit chez sa mère avec son vieux grand-père. Le temps semble long à « l’aïeul » qui ne veut plus de la vie. Kento réalise qu’en s’occupant au plus près de son grand-père, en lui évitant le moindre effort, il écourtera sa vie : « L’être humain, quand il est immobilisé à cause d’une fracture, voit son corps et son esprit se dégrader en un temps record. Les muscles, les organes, le cerveau, le système nerveux, tout est relié. Il n’y a même pas besoin de provoquer une fracture, tu lui ôtes toute possibilité de bouger en lui prodiguant des soins excessifs, ça va totalement l’affaiblir d’un coup. » À l’inverse, Kento qui suit mollement une formation de notariat et retrouve sa copine dans des Love Hotels, témoins de leurs courts ébats, passe de plus en plus de temps à se muscler à cultiver un corps qu’il désire endurant et solide. Keisuke Hada aborde le sujet de la fin de vie avec grâce et une pointe d’humour en évitant soigneusement deux écueils avec un tel sujet : angélisme et sordide.
Si « La vie du bon côté » est un bon livre, on regrette amèrement une traduction inélégante, poussive et parfois imprécise. Il est bien évident que n’entre ici en compte qu’un avis sur le travail de la langue française : « Vers quinze heures trente, quand il commença à avoir faim, il était dans la cuisine à préparer son déjeuner lorsque le martèlement lent de la canne se rapprocha ». Un exemple de phrase perdue dans un vortex spatio-temporel, accompagnée ça et là de choix lexicaux étonnants qui oscillent sans cesse entre un registre soutenu (« otorhinolaryngologiste ») et un parler débraillé (« il cherchait à déprimer ou quoi ? »). Le tout donne une adaptation confuse qui ne rend pas justice à un texte « source » que l’on devine excellent sous les strates de la traduction.
Keisuke Hada, La vie du bon côté, roman traduit du japonais par Myriam Dartois-Ako, Éditions Philippe Picquier, 160 pages, 16,50€.
Visuel : couverture du livre