Géographie de l’espace et géographie du cœur dans le récit posthume La Maison de Julien Gracq
Seize ans après la disparition de Julien Gracq, la maison d’édition José Corti publie un court récit inédit intitulé « La Maison »
Mêlant géographie de l’espace et géographie du cœur, cet inédit intitulé “La maison” est probablement l’introduction idéale à celles et ceux qui veulent découvrir l’œuvre de Julien Gracq. Dans cet inédit, le gardien de Saint-Florent-Le-Veil (Maine-et-Loire) dresse l’itinéraire d’un personnage confronté à la fois à l’Occupation Allemande et à l’ennui des trajets du quotidien.
« Le soir tombait plus vite qu’ailleurs sur l’égouttement de ces fourrés sans oiseaux. Leurs bruits légers et distincts : craquements de branches, sifflement faible du vent dans un pin isolé, éteignaient les bruits insignifiants de la campagne – au long d’eux, dans la brume pluvieuse, on marchait comme dans une ombre portée : la route tout entière feutrée et épiante, n’était plus qu’une oreille collée contre la lisière des bois. […] Après quelques allées et venues assez incertaines au long de la route, l’envie me vint une minute, devant cet obstacle absurde, de renoncer à mon équipée – mais la curiosité fut la plus forte »
Comme Aldo dans « Le Rivage des Syrtes » (1951), le personnage de « La Maison » est miné par l’accoutumance des itinéraires et l’absence d’étrangeté dans sa vie. Cette absence liée aux habitudes de la vie quotidienne se dépliera progressivement, avec l’apparition d’une maison. Tel le Farghestan pour Aldo, cette maison va redéfinir à la fois la géographie et l’horizon du personnage. Telle une épiphanie, le narrateur est traversé par une rupture intime et profonde dans son existence.
À mi-chemin entre le surréalisme qui a un temps influencé Gracq et les méditations géographiques qui composent son œuvre littéraire, « La Maison » est un récit qui vient bouleverser nos perceptions du monde extérieur. Véritable récit contemplatif grâce à son écriture poétique, « La Maison » est aussi un voyage initiatique qui nous convie à prendre un autre chemin, pour mieux voir le monde qui nous entoure et trouver le visage amoureux d’une femme. En ces temps de conflits, le récit de Gracq est donc une magnifique ode à l’amour et à la redécouverte de soi.
La Maison, Julien GRACQ, Editions Corti, 84 pages, 15€
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