
“Victoire !”, un roman de Michel Tremblay entre deuil et amour
Michel Tremblay continue à remonter le cours de son histoire familiale en nous livrant une tranche de la vie de Victoire, la mère d’Albertine et Gabriel (voir La Diaspora des Desrosiers, 2017).
Les parents de Victoire et Josaphat viennent de mourir. En plein Noël, durant l’incendie de l’église où ils assistaient à la messe de minuit. Victoire, malade et novice au couvent, n’a pas pu assister aux obsèques. Écartelée entre douleur et culpabilité, elle décide de rejoindre son frère, qu’elle n’avait pas revu depuis son entrée au couvent voilà sept ans.
Les retrouvailles s’avèrent plus faciles que l’on aurait pu le craindre : si les religieuses ont dûment tenté d’éradiquer toute trace de joual – le parler québécois – et de manières populaires, ceux-ci sont si ancrés en Victoire qu’elle les retrouve rapidement. Elle goûte à nouveau, après sept ans d’enfermement, le plaisir de marcher, de regarder la beauté des Laurentides et de manger gras – ah la poutine, que les sœurs appelaient “pudding” ! Mais découvre aussi que son frère joue étonnamment bien du violon et qu’il demeure mystérieux sur l’origine de ce don.
Raconté presque entièrement du point de vue de Victoire, ce roman de Michel Tremblay suit sans pathos les étapes du deuil de la jeune orpheline, mais aussi de son désir naissant pour son frère… Car l’une des qualités de ce roman est de parvenir à rendre innocent cet amour incestueux, qui donnera naissance à Albertine et Gabriel, qui apparaissaient dans La Diaspora des Desrosiers et les Chroniques du Plateau Mont-Royal.
Enfin, son travail de la langue soutient à lui seul notre attention : les dialogues en joual alternent avec une narration écrite dans le français plus soutenu qu’est désormais celui de la narratrice. Deux langues, si proches et si différentes, avec lesquelles l’auteur jongle avec brio.
Visuel : couverture du livre
Actes Sud / Leméac
136 pages, 16,50 euros