Fictions
“Victoire !”, un roman de Michel Tremblay entre deuil et amour

“Victoire !”, un roman de Michel Tremblay entre deuil et amour

10 June 2021 | PAR Julia Wahl

Michel Tremblay continue à remonter le cours de son histoire familiale en nous livrant une tranche de la vie de Victoire, la mère d’Albertine et Gabriel (voir La Diaspora des Desrosiers, 2017).

Les parents de Victoire et Josaphat viennent de mourir. En plein Noël, durant l’incendie de l’église où ils assistaient à la messe de minuit. Victoire, malade et novice au couvent, n’a pas pu assister aux obsèques. Écartelée entre douleur et culpabilité, elle décide de rejoindre son frère, qu’elle n’avait pas revu depuis son entrée au couvent voilà sept ans.

Les retrouvailles s’avèrent plus faciles que l’on aurait pu le craindre : si les religieuses ont dûment tenté d’éradiquer toute trace de joual – le parler québécois – et de manières populaires, ceux-ci sont si ancrés en Victoire qu’elle les retrouve rapidement. Elle goûte à nouveau, après sept ans d’enfermement, le plaisir de marcher, de regarder la beauté des Laurentides et de manger gras – ah la poutine, que les sœurs appelaient “pudding” ! Mais découvre aussi que son frère joue étonnamment bien du violon et qu’il demeure mystérieux sur l’origine de ce don. 

Raconté presque entièrement du point de vue de Victoire, ce roman de Michel Tremblay suit sans pathos les étapes du deuil de la jeune orpheline, mais aussi de son désir naissant pour son frère… Car l’une des qualités de ce roman est de parvenir à rendre innocent cet amour incestueux, qui donnera naissance à Albertine et Gabriel, qui apparaissaient dans La Diaspora des Desrosiers et les Chroniques du Plateau Mont-Royal.

Enfin, son travail de la langue soutient à lui seul notre attention : les dialogues en joual alternent avec une narration écrite dans le français plus soutenu qu’est désormais celui de la narratrice. Deux langues, si proches et si différentes, avec lesquelles l’auteur jongle avec brio.

Visuel : couverture du livre

Actes Sud / Leméac

136 pages, 16,50 euros

 

La danse-objet de Philippe Quesne au Musée d’Orsay
L’ Encyclopédie de la parole mise en abyme au Festival d’Automne
Avatar photo
Julia Wahl
Passionnée de cinéma et de théâtre depuis toujours, Julia Wahl est critique pour les magazines Format court et Toute la culture. Elle parcourt volontiers la France à la recherche de pépites insoupçonnées et, quand il lui reste un peu de temps, lit et écrit des romans aux personnages improbables. Photo : Marie-Pauline Mollaret

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration