Fictions
Connie Palmen : “Ton histoire, Mon histoire”. Récit d’une tragédie et de la naissance d’un mythe.

Connie Palmen : “Ton histoire, Mon histoire”. Récit d’une tragédie et de la naissance d’un mythe.

28 October 2018 | PAR Jean-Marie Chamouard

Connie Palmen rapporte l’histoire d’un couple mythique des années cinquante et soixante : Ted Hughes, poète britannique et Sylvia Plath poétesse américaine. Cette histoire d’amour se terminera tragiquement par le suicide de Sylvia Plath. Connie Palmen fait ici le récit de ce couple en partant du point de vue du mari qui a été accusé par certains d’être responsable de la mort de sa femme.

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Le livre débute par un coup de foudre marqué, en guise de baiser, par le sceau d’une morsure sur la joue. Ils se sont mariés quatre mois plus tard, elle devient sa muse et il reçoit un prix pour son premier recueil de poèmes. Sylvia a une personnalité exaltante et tempétueuse. Il s’agit « d’une alliance céleste » entre deux écrivains mais l’épouse a aussi un passé sombre. Elle a souffert, jeune d’une grave dépression et fait alors une tentative de suicide. Elle est « une déesse blanche en qui se conjuguaient création et destruction, apportant noblesse et effroi ». Le couple migre ensuite aux USA.Leur vie quotidienne est déjà émaillée de crises de jalousie et de désespoir. Lui devient célèbre mais elle souffre de difficultés à écrire alors qu’elle voudrait être reconnue comme poétesse. Elle est hantée par la mort précoce de son père « un tyran idolâtre ». Elle refuse le modèle de mère et d’épouse traditionnelle que voudrait lui imposer sa mère. Pendant l’été 1959 le couple fait un parcours initiatique à travers les grands espaces américains. C’est une période de répit : Sylvia est enceinte et retrouve son inspiration poétique. Ils reviennent ensuite en Angleterre, d’abord à Londres, puis à la campagne dans le Dévon. Le couple aura deux enfants et elle commence à publier ses poésies qui deviendront surtout célèbres à titre posthume. Ted a également des difficultés psychologiques qu’il exprime parfois dans des rêves prémonitoires : il a une impression d’étouffement et de dépossession dans son couple. Il se lance dans une aventure amoureuse qui conduit à leur séparation quelque mois avant le suicide de Sylvia. La fin du livre est marquée par la descente aux enfers de Sylvia et après sa mort, par l’immense douleur et la culpabilité de Ted.

Connie Palmen est aux Pays Bas une écrivaine renommée. Elle s’est attelée à une tache difficile : décrire le destin tragique d’un couple de poètes célèbres mais en faisant un récit romanesque. Le style de l’auteur mérite à lui seul la lecture de ce livre : c’est un style efficace, dynamique mais aussi poétique. L’auteur réalise une analyse en profondeur de la psychologique de Sylvia : c’est une description clinique et un thriller psychologique. L’ombre de la mort plane sur tout le récit avec la mort précoce du père de Sylvia et avec son suicide final. Elle aborde aussi la souffrance du mari, impuissant, face au drame intérieur de sa femme. Ce récit est également la confession de Ted. Après la mort de sa femme il devra faire face aux accusations dont il va faire l’objet, souvent de la part de proches. En publiant ses œuvres il deviendra le testamentaire de sa gloire posthume mais restera l’otage d’un mythe. Elle deviendra une icône du féminisme mais il restera « enfermé dans son mausolée comme relique d’une union tragique ».
Au delà du récit d’un drame personnel, Connie Palmen apporte sa réflexion sur le destin du poète qui, pour créer, doit cheminer vers les profondeurs de son être et vers son inconscient. Elle aborde aussi les mythes comme langage ancestral et universel et le rapport au mal qui doit être compris et ritualisé par la littérature et la poésie. Le thème de la mémoire et de l’oubli est également évoqué. Ces réflexions philosophiques sont brèves mais pertinentes : ce livre est donc aussi un conte moral et c’est une grande réussite littéraire.

Connie Palmen, Ton histoire Mon histoire, Actes Sud, 270 pages, 22 Euros, sortie en octobre 2018.

visuel : couverture du livre (c) Actes Sud

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Jean-Marie Chamouard

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