
“Canada” le nouveau chef-d’oeuvre de Richard Ford aux Editions de l’Olivier
« D’abord, je vais vous raconter le hold-up que nos parents ont commis. Ensuite les meurtres qui se sont produits plus tard. » C’est ainsi que débute l’ouvrage qui marque le retour de l’un des écrivains américains les plus doués de sa génération, Richard Ford, près de 17 ans après « Independance Day », pour lequel il recevait le Prix Pulitzer. Un récit des plus saisissants, qui va puiser dans la puissance larvée des Grandes plaines imperturbables. En librairie le 25 août.
Donnant immédiatement le ton, loin de toute emphase mélodramatique, ou tension artificiellement soutenue, Dell Parsons nous déroule soixante ans plus tard le fil de ce qui fut son histoire. Celle d’un enfant de quinze ans, qui voit sa vie définitivement bouleversée lorsque ses parents, un retraité de la Air Force et sa mère une immigrée juive polonaise, sont arrêtés après avoir organisé le hold-up d’une banque dans le Montana pour rembourser les deux mille dollars, qu’ils devaient à une bande d’indiens Cree. Une amie de sa mère lui fait alors traverser la frontière du Canada, pour lui éviter le camp de Protection des Mineurs. Hébergé en échange de ses services comme boy dans l’hôtel du frère de cette dernière, Arthur Remlinger, Dell croit enfin pouvoir y retrouver le cours d’une vie supportable, ou du moins stable . Mais c’est sans compter les plans de son mystérieux hôte.
Un drame qui puise sa force dans la simplicité d’une vision rétrospective, à la fois puéril et d’une lucidité troublante, dans une polyphonie qui fusionne remarquablement la voix du jeune Dell, passionné d’apiculture et d’échecs, et celle translatée à plus de six décennies d’intervalles du professeur de lycée aux portes de la retraite. Un récit des plus singuliers, mené avec poigne, dont la puissance d’évocation n’a d’égal que le rythme saisissant, coupant et sonore tels des éclats de verre. Une voix qui sait se faire interrogative, sans jamais condamner ou verser dans les postulats psychologiques , qui saisit la banalité du crime, et du mal, la vacuité de la vie, et l’absence de sens. Celle d’un homme qui essaie de comprendre, et surtout d’oublier.
“Ce qui va suivre, il n’est pas en mon pouvoir de lui donner l’apparence de la raison, de la logique, d’un fondement quelconque de ce que nous croyons savoir du monde tous autant que nous sommes”
“Je crois que ce qu’on voit, c’est l’essentiel, comme je l’ai enseigné à mes élèves et que la vie est une forme qu’on nous présente vide. Alors, si la signifiance des choses nous pèse, elle ne fait rien de plus. Le sens caché en est quasi absent. “
Visuel: “Canada” Richard Ford, aux Editions de l’Olivier.