Danse
Anna Pavlova, L’Incomparable, par Martine Planells

Anna Pavlova, L’Incomparable, par Martine Planells

03 June 2023 | PAR Nicolas Villodre

Gremese vient de rééditer la monographie de la danseuse russe Anna Pavlova signée de la spécialiste de la danse Martine Planells, corrigée, mise à jour et complétée par des annexes et des notices sur les personnalités du milieu artistique de son temps.

Ballets Russes

La danseuse classique que le monde entier a familièrement – et respectueusement – appelée La Pavlova (1881-1931), à l’instar des stars et divas l’ayant précédée dans différentes disciplines et avec lesquelles elle a partagé la célébrité – Maria Malibran (1808-1936), Sarah Bernhardt (1844-1923), Eleonora Duse (1858-1924) –, n’a pas seulement été une ballerine du niveau de Marie Taglioni (1804-1884), Fanny Elssler (1810-1884) ou Carlotta Grisi (1819-1899). Elle a rayonné comme nulle autre. En 1900, au Mariinsky, et ailleurs, ne serait-ce qu’à Garnier, danseurs et danseuses ne pouvaient exercer, encore moins percer, sans un protecteur puissant ou fortuné. Pavlova en eut deux : Victor Dandré et, dans une moindre mesure, Serge de Diaghilev. Le premier lui prodigua toute sa carrière soutien et conseils. Et elle le lui rendit bien. On le présenta comme son époux, mais Martine Planells n’a pas trouvé trace de leur mariage. L’imprésario Sol Hurok reconnut avoir répandu en 1925 la rumeur d’un mariage secret entre elle et Dandré. 

La Pavlova fut littéralement affichée par Diaghilev pour annoncer sa participation (un temps procrastinée) à la Saison 1909 des Ballets Russes, au Châtelet, comme le montre le “charmant dessin au fusain et à la craie blanche” de Valentin Serov la représentant dans Chopiniana, qui orna les colonnes Morris parisiennes – litho dont le théâtre conserve un précieux exemplaire. Que ce soit avec la troupe de Diaghilev ou avec celle constituée par Dandré, la ballerine tira profit de la renommée des danseurs formés à Saint-Petersbourg – réputation perpétuée par l’exil de nombre d’entre eux au moment de la Révolution, ravivée par le passage à l’ouest de Noureev en 1961 et la défection de Baryshnkikov en 1974. Outre Diaghilev et Dandré, qui avaient tous deux le sens de la publicité, Sol Hurok, grand agent et producteur artistique américain d’origine russe, organisa les tournées internationales de Pavlova comme il le fit pour Isadora, Wigman, Escudero, Carmen Amaya, Katherine Dunham, les Ballets Russes de Monte Carlo, etc. 

La Mort du cygne

Mais ni la publicité ni la technique de danse ne suffisent à expliquer l’aura d’Anna Pavlova. D’une part, le battage médiatique ne saurait à lui seul remplir les salles ; de l’autre, la technique, comme la mode, selon Cocteau, se démode, c.à.d. évolue plus rapidement qu’on ne le croit. Martine Planells rapporte les propos de Noureev et d’une de ses profs de danse concernant l’incomparable artiste : “Elle rendait invisible toute preuve de technique, et donnait l’impression d’une spontanéité absolue chaque fois qu’elle dansait. Cela était tel que les spectateurs sous le charme avaient l’impression de voir un miracle en train de s’accomplir. Cette idée m’enchanta. L’art de dissimuler l’art : c’était sûrement la clé de la grandeur d’un artiste.” À cela il convient certainement d’ajouter que la photogénie d’Anna Pavlova n’avait rien à envier à celle de Cléo de Mérode, Ida Rubinstein, Ruth Saint-Denis, Lisa Duncan.

C’est précisément ce que prouvent les portraits photographiques ayant jalonné sa carrière qui nous restent d’elle. Malgré “les imperfections que reproduit l’image”, selon elle, dès qu’il est question de filmer la danse, ses apparitions cinématographiques, que ce soit dans le long métrage de Phillips Smalley et Lois Weber, The Dumb Girl of Portici (1916) ou dans les cinédanses prises au studio de Douglas Fairbanks et Mary Pickford en 1925, devant le décor de Don Q Son of Zorro, la ballerine crève l’écran. Sa variation la plus fameuse est La Mort du cygne, une chorégraphie de Michel Fokine sur une musique de Camille Saint-Saëns. C’est, peut-on penser, à Hollywood qu’elle fit l’acquisition d’une caméra 16 mm, le substandard d’Eastman Kodak, avec laquelle furent enregistrés dans la foulée, lors de sa tournée australienne (et néozélandaise) des extraits de Don Quichotte, L’Invitation à la Valse et The Fairy Doll. Pour l’anecdote, ce voyage océanique donna lieu à une création pâtissière meringuée ayant aussi contribué à l’immortaliser, la “Pavlova”.

Visuel : Anna Pavlova dans le costume de Giselle, photographie d’Auguste Bert (1909).

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Nicolas Villodre

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