“Sex press” : la compile visuelle de la Révolution sexuelle vue par la presse underground 1965-1975 (éditions de la Martinière)

Dès les années 1960 un vent révolutionnaire souffle sur le monde. De nombreux mouvements sociaux se développent au grand jour, et dont certains leaders entrent dans l’Histoire. Pour n’en citer que quelques-uns nommons les hippies, les activistes noirs, homosexuels, féministes… Il s’agissait avant tout d’une révolution des moeurs, et qui a donné naissance à de nombreuses publications underground qui traitaient aussi bien de politique, d’écologie et notamment de sexualité…

Indéniablement la décennie 1965-1975 (celle qui intéresse les auteurs Vincent Bernière et Mariel Primois) aura marqué l’histoire de la sexualité : qui n’a jamais vu ces images de jeunes hippies ayant une sexualité ouverte ? La création du Super 8 au début des années 1960 et l’expansion de l’appareil Polaroid permettaient à tout un chacun d’avoir des vidéos et des photographies personnelles à moindre coût ; nul besoin de préciser que de nombreuses photos et vidéos érotiques amateurs ont vu le jour. De plus, une conjoncture plus médicale était également propice à cette révolution, cette libération : commercialisation de la pilule contraceptive dès les années 1960 aux Etats-Unis (1967 en France), épidémie du SIDA n’ayant véritablement fait son apparition qu’à la fin des années 1970. Une autre époque donc…

La presse underground s’est largement fait l’écho de cette Révolution et avec cet ouvrage les auteurs nous font revivre cette époque révolue. A travers des illustrations issues de publications de choix tels que Suck, L’Organe, Screw, Orgy, l’ouvrage nous offre la quintessence de l’underground en matière de sexualité. Il est bien admis que les illustrateurs, rédacteurs et autres photographes sont particulièrement inspirés lorsqu’il s’agit de sexualité.

Fondamentalement la libération sexuelle rejoint une des idées principales des féministes : le droit de disposer de son corps ; pas d’attaches. Les fondements du mariage et donc de la monogamie s’étiolent durant la décennie pour donner lieu à une jeune génération qui aime le partage et abhorrant par dessus tout les catéchismes (moraux, religieux, sociaux…). Cette nouvelle génération, née dans l’opulence des Trente Glorieuses, et qui cherchait la plage sous les pavés en France, s’oppose plus que jamais à ses aînés. Cela transparaît intégralement dans l’ouvrage : des jeunes avides d’un nouveau modèle social en opposition à la désuétude de leurs parents. Nouveaux partages, pluralisme, homosexualité assumée et revendiquée ; les femmes prennent leur revanche sur les hommes, une photographie issue du numéro d’avril 1970 d’OZ montre une femme nue tenant une hache et s’apprêtant avec un charmant sourire à abattre un phallus géant : tout est dit. Et qu’en est-il de cette double page du magazine Georgia Straight de 1971 où, dans un long article, on parle pour la première fois de l’orgasme féminin : “L’orgasme féminin libère la femme”…

La compile visuelle des éditions de la Martinière est riche, sans vulgarité, elle donne une vision d’ensemble de l’évolution des moeurs de l’époque mais aussi de l’art. Les illustrateurs reprennent les codes des artistes de l’époque, cela va des points de trames de Lichtenstein aux sérigraphies warholiennes ; on y trouve également les dessins de Crumb ou encore les hommes sur-vitaminés de Tom of Finland. Il émane de ce livre le vent utopique propre à cette époque perdue, où la croyance en un monde nouveau et meilleur faisait autorité et qui contraste pour notre plus grand plaisir avec la morosité dans laquelle le début des années 1980 et le XXIème siècle se sont ouverts…