
Zama, de l’attente au délire – Cinélatino
Le film Zama, de la réalisatrice argentine Lucrecia Martel, est projeté à Toulouse à l’occasion de Cinélatino, et concourt en compétition Long Métrage Fiction.
Un film en costume, une lointaine colonie au XVIIIe siècle, une mise en scène à l’esthétisme pointu… le film Zama de la réalisatrice, scénariste et productrice aux multiples récompenses Lucrecia Martel, étale sur 1h55 la trajectoire du magistrat Diego de Zama, personnage sombre et mystérieux, aux motivations obscures sous l’égide de la Couronne d’Espagne. Cette production des quatre coins du monde (Argentine, Brésil, Espagne, France, Mexique, États-Unis, Pays Bas, Portugal) place le personnage principal au centre de problématiques historiques qui mélangent et confrontent, dans un rapport de dominations, les peuples. Espagnols, aborigènes et esclaves africains cohabitent en cette fin de XVIIIe siècle, les uns chapeautés de perruques de travers, les autres presque nus dans les bains de boue. Ces alternances colorées sont montrées dans une mise en scène aérée, aux plans larges, de grand ensemble, travaillés dans une esthétique très plastique, sous une bande originale douce et tanguante.
Alors, tous les ingrédients sont là pour une recette délicieuse, et pourtant, le décollage n’est pas évident. On est traînés derrière un personnage austère et froid, inexpressif et inaccessible, et dont la position sociale le coince dans l’attente et l’appréhension. Il traverse des éléments mystiques qui semblent s’enchaîner aléatoirement, mi-fantastiques mi-merveilleux, ou plutôt mi-étranges mi-banalisés. L’attente, le film nous la fait vivre, parfois subir, jusqu’à sombrer dans une drôle de démence, ou le sens s’évapore pour laisser place à un déluge de folies et de chocs scénaristiques. Alors l’attente converge brutalement vers le délire, délire qui en séduira certains et en rebutera d’autres.
De manière plus unanime, difficile de passer à côté de la dextérité avec laquelle sont traités les corps. Lumières, photographie, couleur, cadrage et mouvement, les corps sont magnifiés ou monstrifiés. Les yeux sont éblouis, mais toujours au risque que le coeur reste cloué au sol. Reste que la puissance visuelle en fait un film novateur et fort d’originalité, qui a toute ses chances en compétition.
Visuel officiel Cinélatino, ©Lucrecia Martel, Zama. Bande annonce officielle.