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“Ad Vitam”, le petit bijou dystopique d’Arte

“Ad Vitam”, le petit bijou dystopique d’Arte

29 November 2018 | PAR Marine Sulitzer

Le paysage télévisuel français s’illustre enfin dans le genre de la science fiction avec Ad Vitam, série d’anticipation en 6 épisodes cocréée par Sébastien Mounier et Thomas Caillet pour Arte.

Pour son deuxième projet cinématographique, Thomas Caillet passe du grand écran au petit pour prendre le temps de nous immerger dans un monde futuriste où l’homme est parvenu à tromper la mort. Après Les Combattants (César de la meilleure première œuvre), long métrage touchant où l’on suivait Adèle Haenel et Kevin Azaïs dans un entrainement de survie pré-apocalyptique, le cinéaste poursuit sa réflexion sur la jeunesse et sa place dans la société contemporaine en lui conférant une facette plus politique et philosophique.

Dans un futur proche, des chercheurs ont découvert un remède pour régénérer les cellules, permettant aux hommes de rester jeunes indéfiniment. Darius est un flic de 120 ans qui voit sa carrière arriver à sa fin. Pour sa dernière affaire, il se voit confier une affaire de suicide collectif commis au nom d’un mouvement antirégénération. Au côté de la jeune Christa, 24 ans, elle même jeune rescapée d’un acte du même type dix ans plus tôt, ils vont tenter de retrouver le cerveau du drame.

Le versant policier de l’histoire n’est qu’un prétexte à une réflexion beaucoup plus profonde sur la nature humaine. Le scénario pose la question d’une société qui ne connaîtrait plus la mort et ses répercussions sur la natalité, la jeunesse, le travail et le rapport à soi. Rythmé par une bande son électro enivrante, Ad Vitam obsède par son approche très contemporaine de problèmes politiques et sociétales qui gangrènent la carte mondiale. En basant son intrigue sur un suicide collectif orchestré vraisemblablement par un groupe de jeunes adultes en quête de sens, Thomas Caillet fait référence à tous les groupuscules radicaux contemporains, des kamikazes, aux fous de la gâchette américains en passant par les oubliés des périphéries urbaines qui se radicalisent dans des mouvements religieux ou criminelles.

Bien plus que sociale, la série pose la question du genre humain, de son cycle naturel qui se verrait stopper. Comment trouver un sens à sa vie si celle-ci n’a plus de fin ? L’immortalité est-elle la fin de l’humanité tel que la connaissons? De la même manière de nos jours, que dire des mouvements transhumanistes qui promeuvent des humains améliorés par la science, sinon qu’ils aspirent à uniformiser une constante du modeste sapiens que nous sommes, à savoir la diversité des individus.

Merveilleusement porté par Yvan Attal et Garance Marillier, le duo nous charme par son dialogue intergénérationnel pertinent et lumineux. Chacun va porter l’autre dans sa vison du monde, la faire maturer avec bienveillance mais non sans violence. C’est avec émotion que l’on suit Darius, vieux régénéré revêche, se rapprocher de Christa, jeune adulte qui n’attend rien de la vie. Ces deux là, que les apparences opposent, vont s’humaniser, se transformer, se révéler au contact de l’autre soulignant un dernier point capital de l’oeuvre, la transmission.

Si les personnages d’Ad Vitam trompent la mort en se plongeant dans un solution silicique opaque et vide de vivants, le téléspectateur, lui, se prend un shoot d’oxygène pur qui le guide sur le chemin du sens de la vie.

L’intégralité des 6 épisodes sont à regarder sur ARTE.TV.

Visuel : ©Arte

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Marine Sulitzer

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