
Mon Amour, captivante errance dans les « paradis blancs »
Aride et fascinant comme les paysages de Sibérie, Mon Amour, documentaire poignant de David Teboul, est un voyage cathartique mêlant récit d’une histoire d’amour sanctionnée par une mort prématurée par overdose et interviews de femmes et d’hommes de cette région reculée de la Russie, exposant leur expérience de l’amour. Avec la voix du réalisateur en fil conducteur et une esthétisation quasi performative de la photographie, le résultat est contemplatif, hypnotique mais ne laisse pas indemne.
Un incipit immersif
Écran noir, voix d’éloge funèbre tenue de bout en bout par David Teboul, une lettre de Frédéric, son amant, adressée au réalisateur lui-même s’affichant en surimpression. La pesanteur de ce documentaire est installée. Et dès lors, on s’interroge sur notre capacité à endurer une telle charge émotionnelle et psychologique pendant les presque trois heures qui s’annoncent.
De la puissance du réel
David Teboul, écorché vif par la mort de Frédéric son amant, son associé, et aussi celui dont il n’a pas réussi à enrayer la déchéance narcotique après leur séparation, tente de trouver en partant en Sibérie des réponses aux questions qu’il se pose sur l’amour, la mort… et interroge le regardeur sur l’universalité de ce sentiment, sur les relations dans ces conditions extrêmes. Finalement, la quête de l’autre ne serait-elle pas un artificiel enfermement dans un bonheur aussi inaccessible qu’illusoire ?
Alternant des passages autobiographiques, narrant la rencontre et la relation, avec force détails qui donnent au récit sa véracité et sa puissance, des interviews de figures burinées par les conditions climatiques, l’alcool, la vie…, des photos d’archive et des paysages ou des vidéos quasi statiques, le documentaire fait disparaître toute notion de temporalité. Les souvenirs se confrontent au récit des dernières heures, le mal-être psychologique du narrateur se confond avec ces témoignages semblant d’autres temps et définitivement d’autres mœurs.
Bouleversant et inattendu, Mon Amour laisse, dans un récit documentaire pourtant très directif, une grande liberté d’interprétation. Il prend aux tripes et bouscule la psyché : on peut voir se dessiner un parallèle entre dépendances affective et narcotique. Sans même avoir connu ces épreuves, le film est un joyau. Pour des publics sensibilisés, il peut même prendre une dimension de chef d’œuvre.
Mon amour de David Teboul, France, 2022, Rezo Films Durée : 2h52. En salles depuis le 15 juin 2022.
Photos du film : © Les Films d’ici