Cinema
Le festival F.A.M.E fête l’union de la musique et du cinéma en novembre

Le festival F.A.M.E fête l’union de la musique et du cinéma en novembre

25 October 2017 | PAR Guillaume Laguinier

Du 8 au 12 novembre, La Gaîté-Lyrique fête l’audace artistique, et plus précisément l’union de la musique et du cinéma avec une vingtaine de créations rares, voir inédites à l’occasion du FAME Festival. Rencontre avec Olivier Forest, co-fondateur et programmateur. 

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Selon vous, quelle est la principale force de la programmation de cette édition?

C’est difficile à dire, pour nous. Le festival FAME est très particulier; c’est un événement relativement dense. Il y a des festivals qui présentent une centaine de films, nous on en propose 28. Donc c’est une programmation « sans gras »; faite uniquement de films qu’on aime et que l’on a choisi. Parfois, ça peut même poser certains dilemmes. L’un des temps forts va tourner autour du label Sahelsound, de Christopher Kirkley. Un label d’explorateur, où Kirkley enregistre beaucoup de musiciens issus de la zone du Sahel. Il est aussi réalisateur: il y a quelques années il avait même reçu le prix à FAME pour un remake de Purple Rain tourné au Sahel. Nous allons passer son nouveau film (Zerzura, projection le dimanche 12 novembre). Parallèlement, il y a un documentaire qui a été réalisé sur Christopher Kirkley qui s’appelle A Story of Sahel Sound (samedi 11), et on va faire aussi une table ronde qui va rassembler d’autres invités du festival dont Stephan Crasneanski , les gens qui ont fait le documentaire sur Sahel Sounds…etc. Des gens qui abordent les musiques « World » sous un autre angle. Un peu comme ce qui a pu se faire pour la musique Indie aux Etats-Unis. On n’est pas dans le cadre universitaire et académique, plutôt sur des références de scènes et de labels indépendants.

Comment choisissez-vous les films de cette programmation « sans gras »?

On fait un très gros travail de recherche : on épluche les programmations, on regarde les films en train de se faire, en production, en crowdfounding… C’est une veille de programmateur. Dès qu’on voit passer quelque chose, quand on lit un article ou qu’un titre est évoqué, on suit la piste. On regarde aussi ce qui passe dans d’autres festivals. Parallèlement, il y a aussi un appel à projet. On reçoit un certain nombre de films, parfois des écoles de cinéma, des Beaux-Arts… etc.

Il y a des réalisateurs reconnus -comme Abel Ferrara, présent avec Alive in France-, d’autres moins. Est ce une volonté réfléchie ou est ce de l’ordre du hasard? Est ce qu’il y a des « quotas » de grands et de petits réalisateurs?

Ce ne serait pas possible à tenir car on est quand même dans un domaine singulier. Les films autour de la musique, des pops cultures… Ce n’est pas le plus grand domaine commercial. Tout les ans on recommence ce travail de recherche. Il y a forcément quelques grandes figure comme Abel Ferrara ou  Jim Jarmusch qui sont proches de la musique dans leur travail. D’autres sont moins connus, ou le sont uniquement dans leur domaine. Ce n’est pas vraiment une volonté mais en tout cas c’est un plaisir pour nous de mettre au même niveau Abel Ferrara et Eliot Ratinaud qui est toujours étudiant. Ils sont à chance égale et ça, c’est parfaitement assumé.

Parmi les films qui composent la programmation: To Stay Alive, adaptation d’un essai de Michel Houellebecq, lu par Iggy Pop !

Leur relation date un peu. Iggy Pop avait lu les traductions des bouquins de Houellebecq et il avait adoré, à tel point qu’il s’était auto-proclamé « plus grand fan américain de Houellebecq ». Il a aussi enregistré des paroles de chansons à partir des livres du français. Là, ca part effectivement de ce bouquin Rester vivant, l’un des premiers de Houellebecq, une sorte de manuel de survie à destination des artistes. C’est un film très beau, avec Houellebecq, avec Iggy Pop, mais aussi avec Robert Combas, qui est un peintre et avec d’autres personnages qui sont d’illustres inconnus. Toujours sur cette ligne entre la folie créatrice, le désespoir, la dépression, le talent artistique, la création… Iggy Pop par exemple a été borderline par moment: cette folie peut le porter, mais aussi le condamner. C’est un film passionnant, même assez bouleversant et on est vraiment à la limite de la folie. De la dépression. Comment certains se retrouvent en artistes célébrés et connus, d’autres à prendre des médicaments toute leur vie.

Il y a aussi beaucoup de films qui traitent de la musique électronique, de la techno, comme Rage le dernier jour, ou French Waves. C’était important que cette musique figure au festival FAME?

On ne fonctionne pas par quota en se disant que toutes les musiques doivent être représentées. Ça pourrait rendre le festival un peu monotone. Il se trouve qu’on a vu ces deux films qui sont très intéressants et très différents. Nous ce qui nous intéresse, c’est refléter le monde contemporain. On n’est pas un festival de la nostalgie, des grandes années du rock et des documentaires rétrospectifs, même si on en passe aussi. On dit souvent que la musique est un réactif de l’époque: elle réagit et fait réagir l’époque. Quand ils sont réussis, les films sur la musique peuvent capter quelque chose du moment. Là on a deux films: Rage, qui est presque de l’ordre de l’essai, avec sa bande annonce sous forme de condensé du film en 1min30. Le film a un rythme différent en salle: il alterne les scènes de réflexion et tente de faire le lien entre la pensée anarchiste, Proudhon, les communautés, la musique électro… etc. C’est un drôle d’objet. De l’autre côté, on a French Waves, très différent dans sa forme. Lui fait un pont entre toute la scène française contemporaine et les pionniers de la techno. Pour nous, et même s’il fallait parler de Jazz, c’est important que le festival se situe dans des formes très contemporaines.

A propos du principal jury de l’évènement, le jury FAME: Qu’elle est  sa vocation? Comment est ce qu’il fonctionne?

Il y a un jury international, qui est le jury FAME. Il décerne un prix de 1500 euros, doté par le festival, au réalisateur. A chaque fois on monte ce jury en essayant de refléter le festival, avec des réalisateurs, des gens qui viennent des arts plastiques, des professionnels du cinéma… etc.  Cette année, on notera la présence d’Arnaud Rebotini (Note: un DJ dont les productions ont déjà servi au cinéma, notamment dans Eastern Boys de Robin Campillo) et Jacques Perconte, un artiste plasticien et réalisateur qui travaille souvent avec des musiciens, avec Jeff Mills par exemple. Il avait fait la séance d’ouverture à FAME en 2015. Ce sont des gens dont on aime le travail et dont on pense que le regard sur les films sera nourrissant.

Est ce qu’il faut affûter son regard pour profiter du festival FAME, ou est ce assez grand public? 

La musique est facilement accessible. Je pense que FAME l’est aussi: il y a pas mal d’histoires qui s’y racontent. Prenez le film Montreal New Wave, même si l’on n’y connait rien, comme c’est mon cas, sur la scène New Wave montréalaise, on peut quand même en profiter pour en apprendre plus, mais aussi parce que le film est drôle et vif. En plus d’être argumenté et de donner l’envie de plonger plus loin. Je pense que ce n’est pas un festival pour spécialiste, ni un colloque universitaire. Je pense que c’est très ouvert.

En préparant l’événement, qu’est ce que vous vouliez réussir à tout prix, et éviter à tout prix?

On veut éviter de faire un festival triste. Ennuyeux. Rasoir. Prétentieux. Un festival qui serait uniquement tourné vers le passé. Nous, ce qu’on veut réussir, c’est une programmation qui soit stimulante, riche, vive. Qui parte dans tout les sens, mais dans le bon sens du terme, c’est à dire dans plusieurs directions formelles, dans plusieurs tailles de films. Ce qui rend le festival cohérent c’est son noyau: des films qui parlent de la musique, dans leur cœur. A partir de là, il faut que ce soit foisonnant, qu’il y ai une variété de regards et de formes sur les sujets abordés en proposant  une sorte de voyage planétaire et musical.

Il y a une partie Hors les Murs, en collaboration avec des lieux culturels. Qu’est ce que le FAME LAB x LLL Lab, et qu’est ce qu’il se prépare à la médiathèque musicale de Paris?

 Cette année c’est la première fois qu’on fait un hors les murs pendant le festival. On avait cette envie de collaborer avec d’autres lieux. La médiathèque musicale de Paris est venue nous trouver pour savoir si on souhaitait travailler avec eux. On a visité leur impressionnante collection de Library music, des musiques d’illustrations plus utilisées depuis les années 60/70/80. Il y a des pépites à trouver là dedans, des lignes graphiques de pochettes très belles. On prévoit toute une installation avec la médiathèque musicale de Paris, dont une exposition tirée de leur collection, une conférence avec Julien Achard, de Digger’s Digest, qui est un spécialiste du disque et la résidence d’un artiste qui produira une pièce spécialement pour l’occasion. Cet événement aura lieu la veille de l’ouverture du FAME à la Gaieté Lyrique. Dans l’après-midi, on organise une rencontre -le fameux FAME Lab-, un endroit de réflexion sur le monde contemporain. On va s’intéresser avec le Liberty Living Lab, une structure juste à côté de la Gaieté, à l’intelligence artificielle dans les industries créatives. Je considère qu’un festival doit être une plateforme et ne peut pas se contenter d’être juste un robinet à films, un simple divertissement.

© Visuel F.A.M.E Festival, Lost In France.

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