
Hive et son héroïne affrontant le patriarcat, Antigone d’or au Cinemed 2021
Film de la réalisatrice du Kosovo Blerta Basholli, Hive est le tableau aux images simples et belles d’une résistance à un patriarcat effrayant. Il était présenté au Festival du Cinéma Méditerranéen 2021, à l’issue duquel il a gagné l’Antigone d’or.
Un petit village du Kosovo au début des années 2000. Fahrije est une femme dont le mari est toujours porté disparu, suite à la guerre de la fin des années 90 avec la Serbie. Devant faire survivre son fils, sa fille et son beau-père, elle travaille comme elle peut, produisant miel et ajvar. Cela lui vaut de traîner une réputation de femme de mauvaise vie dans son village, d’être insultée par les jeunes filles qui lui passent à côté influencées par les dires de leurs familles, guère soutenue par ses paires craignant leurs maris, ciblée par des jets de pierre lorsqu’elle passe en conduisant sa voiture – encore une chose qu’elle ne “devrait pas faire” – agressée par celui chez qui elle se fournit en poivrons pour ses plats, et même insultée par sa fille et son beau-père.
On l’aura compris, le premier intérêt d’Hive – qui s’inspire d’une histoire vraie – est de peindre une communauté où règne un effrayant patriarcat. Pour que la dureté de ce monde ressorte avec le plus de force possible, la réalisatrice Blerta Basholli opte pour une mise en scène guère appuyée, très sensible, qui cadre le lieu où se déroule toute l’action sans l’enlaidir : au sein de ces paysages verts nimbés de soleil, ce qui menace l’héroïne frappe d’autant plus par son caractère terrible. La cinéaste s’en remet de surcroît à une excellente actrice pour faire passer toutes les émotions qu’amène un tel récit : Yllka Gashi marque par toute la gamme de sentiments qu’elle exprime, par son intensité, mais aussi par son visage sur les traits duquel se lisent le poids de ce que lui font subir les hommes qui l’entourent, et de ce que lui a infligé l’histoire récente de son pays. En cadrant à juste hauteur ces traits-ci, la réalisatrice dit beaucoup, sans rien souligner.
Le récit, bien construit, amène à vivre la situation d’une femme dans une lutte très difficile tout autant que la situation d’un lieu meurtri par la guerre à un moment donné : en signant des séquences pas trop longues, Blerta Basholli parvient à faire coexister à part égale ces différentes dimensions. Si l’on peut trouver qu’au sein de ce récit, certains personnages évoluent de manière un peu rapide, la cinéaste, également scénariste, n’oublie pas de le mener vers une vraie conclusion, qui lui donne un souffle souterrain. Elle signe au final un film engagé, mais aussi assez tragique.
Hive a été lauréat de l’Antigone d’or dans le cadre du Festival du Cinéma Méditerranéen, à Montpellier, en 2021. On lui souhaite à présent une sortie dans les salles de cinéma françaises.
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Visuel : affiche anglophone d’Hive