
“Le Grand Bain” : les champions de Gilles Lellouche
Présenté et adoré en hors compétition au dernier Festival de Cannes, la comédie du réalisateur français s’annonce comme le carton sensible de l’automne.
“Les garçons font dit-on des choses singulières, dans les vestiaires” chantait il y a quelques temps Clarika. Ceux-là : Thierry, Bernard, Laurent, John, Basile, Marcus et Avanish plongent. Ils ont en commun de pratiquer la natation synchronisée masculine. Autant dire qu’il s’agit de faire entrer un rond dans un carré. Et dans les vestiaires alors ? Ils racontent, ils pleurent, ils regardent leurs vies de merde en face.
Un film sur les hommes en crise. Vous allez dire, ce n’est pas le premier, certes. Mais celui-ci est efficace car le casting est très équilibré : Mathieu Amalric, Guillaume Canet, Benoît Poelvoorde, Jean-Hugues Anglade et Philippe Katerine pour les premiers rôles des garçons et du côté des filles Leïla Bekhti, Virginie Efira et Marina Foïs.
La seule question est finalement : comment ces hommes, ni jeunes, ni sportifs choisissent-ils ce sport légèrement iconoclaste ? Au commencement, pour prendre l’air. Prendre l’air en arrêtant de respirer, puis pour se sauver et sauver l’autre : l’autre qui recommence à picoler, l’autre que sa femme a quitté, l’autre qui fait faillite, l’autre qui déprime, l’autre qui habite dans une caravane, l’autre qui range les bouées. Tous sont au fond de la piscine, sans pull marine, au fond tout au fond, et comme dans toute comédie française qui se respecte, ils vont remonter, mais seulement à la surface, sortir vraiment de l’eau, ce serait un autre film.
Alors tous pataugent entre l’image qu’ils ont d’eux, fort enraillée, et la réalité qui les écrasent encore plus. Dans ce contexte, les acteurs font le job. Katerine est parfait en salarié de piscine décalé, Almaric habite l’angoisse et Virginie Efira porte sur elle la figure de l’addiction. On se laisse prendre par le plaisir coupable de l’écriture déjà connue du film français : drame et comédie se mêlent dans une success story de looser qui, on le sait, finira bien.
La bande son, très 80’s, est très bien choisie, mention spéciale pour le “Let’s get physical” d’Olivia Newton-John.
Alors, oui, on se lasse des longueurs attendues, des scènes trop de fois vues de déprimés qui se reprennent en mains. Mais, en fin de compte, on plonge sans bouée dans ce Grand Bain où le maître-nageur Gilles Lellouche touche une fois de plus au cœur des hommes.
Le Grand Bain, de Gilles Lellouche, avec Mathieu Amalric, Marina Foïs, Philippe Katerine, Jean-Hugues Anglade, Guillaume Canet, Benoît Poelvoorde, Virginie Effira, Leila Bekhti, présenté hors compétition à Cannes, sortie française Studiocanal le 24 octobre 2018.
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