Cinema
Festival du film britannique de Dinard

Festival du film britannique de Dinard

05 October 2021 | PAR Nicolas Villodre

Changements dans la continuité. La 32e édition du festival du film britannique de Dinard a présenté quelques changements : un tout récent élu à la mairie, Arnaud Salmon, une nouvelle tête à celle de la manifestation, l’Anglaise Dominique Green, une salle Debussy rénovée au bon moment, des tickets de cinéma historiés du code de réponse rapide qui fluidifient réellement l’entrée du public, des “concepts” différents pour désigner les sections de la programmation.

De la musique avant toute chose

Mis à part Archipelago de Joanna Hogg, dramatique subtile sur la cellule familiale décomposée que la fille aînée essaie en vain de ressouder le temps des vacances, excellemment interprétée et théâtralement mise en scène par la réalisatrice hommagée pour l’ensemble de son œuvre, les films qui ont retenu notre attention, bons ou un peu moins, en tout cas considérés comme “ses bébés” par la directrice artistique, entretiennent un lien particulier sinon étroit avec la musique. Celui qui nous a le plus convaincu est plus une docufiction qu’un biopic. Il s’agit de Rudeboy : The Story of Trojan Records, de Nicolas Davies, qui traite de la musique jamaïcaine, recréée et amplifiée à Londres, à base de ska, de rocksteady puis de reggae, diffusée en masse par le label Trojan créé par Lee Gopthal.  

Le film qui a triomphé à Dinard où il a obtenu à la fois le prix du public et celui du jury présidé par la pimpante Bérénice Bejo, Limbo, a pour héros, précisément, un musicien, un joueur de oud, qui trimballe son instrument comme le cercueil d’une âme en peine dans sa caisse en bois. Ce jeune homme est un Syrien demandeur d’asile dont l’odyssée a pour port d’attache provisoire une île de l’archipel des Nouvelles-Hébrides, tout au nord de l’Écosse. Paradoxalement, il ne jouera de son instrument que quelques notes vite recouvertes de muzak néoclassique à la fin du film. Une autre bande vaut le détour, malgré quelques défauts que l’audience indulgente n’a pas relevés : le personnage central du film, le producteur Alan McGee, est tantôt incarné par un grand dadais assez costaud, tantôt par le fluet et formidable comédien Ewen Bremner; les ruptures temporelles ne sont jamais justifiées; les changements de ton non plus, puisque l’on passe allègrement de l’éloge de l’hédonisme à la critique sociale.

Art forain

D’après Pierre Zéni, le présentateur de la cérémonie de clôture, les frères Lumière auraient pris leurs premières photographies couleur en 1877 à la grotte marine de la “Goule aux fées” de Saint-Énogat, à un kilomètre et quelques, à l’ouest de Dinard. Il a formulé l’hypothèse que ces premières prises de vue leur en inspirèrent d’autres, plus réalistes somme toute, celles du cinématographe. La Goule aux fées, à ne pas confondre avec La Fée aux choux d’Alice Guy, pourrait donc bien être la source du “désir de cinéma”. Avant de devenir septième art, comme le montre actuellement l’exposition du musée d’Orsay Enfin le cinéma!, l’invention de Louis Lumière était une curiosité scientifique ou esthétique et une attraction foraine.

Le hasard a voulu que deux des artistes les plus populaires en France, Laura Smet et Laurent Garnier aient aussi une ascendance… foraine. La première, qui faisait partie du jury de Dinard, n’est donc pas qu’une enfant de la balle. Le second, dans le film que lui consacre Gabin Rivoire, Laurent Garnier : Off the Record, évoque la figure de son grand-père, le premier propriétaire des montagnes russes dans l’hexagone et rappelle que son goût pour la musique vient de la diffusion à plein volume des derniers disques à la mode par les sonos des manèges, des grandes roues et des pistes d’auto-tamponneuses. Le berceau de la techno est aux États-Unis celui de l’industrie automobile : Detroit, cité d’où sont issus les grands DJ afro-américains Derrick May et Jeff Mills. La ville des Big Three – de Ford, de General Motors et de Chrysler. Pour Laurent Garnier, son origine est autobiographique, familiale, foraine.

Visuel : Dominique Green et Laurent Garnier, salle Bouttet, ph. Nicolas Villodre 2021.

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Nicolas Villodre

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