Cinema
Cannes 2018 – Non, Solo n’est pas une Star Wars Story

Cannes 2018 – Non, Solo n’est pas une Star Wars Story

16 May 2018 | PAR Suzanne Lay-Canessa

Projeté hors compétition en présence de l’équipe du film, une semaine avant sa sortie officielle, Solo – A Star Wars story confirme les échos catastrophiques après sa première projection à Los Angeles.

Il est aisé de souscrire aux arguments faisant de la nouvelle franchise Star Wars, récupérée par Disney, un avilissement programmé et continu des qualités de la trilogie originelle, un grand spectacle sans âme, que la présentation de l’équipe en grande pompe à Cannes, déguisements de stormtroopers à l’appui, a tout pour confirmer. Inséparables de leur fonction mercantile et d’un fan-service érigé en raison d’être, la « post-logie » et les « spin-off » se doivent de remplir un cahier des charges somme toute impossible. Comme on attend d’un conjoint que l’on n’aime déjà plus de raviver la passion éteinte tout en jetant un œil ailleurs, on espère faire renaître, intacte, l’émotion des films originaux, tout en proposant assez de nouveauté pour surprendre le spectateur sans le bousculer.

On conseillerait cependant volontiers aux pourfendeurs des derniers opus, déplorant soit une capitalisation sur de bonnes vieilles recettes, soit un non-respect des dosages requis, de jeter un œil à la terrassante absence d’idées – autour de Star Wars, de la science-fiction, du film de casse et du cinéma tout court – que constitue Solo – A Star Wars Story. Ils ne sauraient alors que constater que là où les épisodes VII et VIII, ou Rogue One, dialoguaient encore avec le matériau original tout en produisant un récit doublé d’un discours sur le monde contemporain, on ne mise avec Solo que sur la nostalgie décidément questionnable d’un public tenu pour imbécile.

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Toute lecture politique, point fort de chaque épisode réussi, est ici exclue : les hors-la-loi, qui constituent pourtant le sujet de l’opus, n’ont aucun motif et aucune substance ; la révolte, au cœur de la saga, est ici au mieux réduite au second plan, et au pire incarnée par un robot dont la lutte sans succès pour une égalité de droits devient vite un running gag. Mais Solo n’est même pas un bon film de droite, puisque toute velléité narrative ou esthétique y est proscrite : Solo, on l’aura compris, n’est pas un film. Les mots nous manquent alors face aux lieux communs égrenés par le scénario de Lawrence et Jon Kasdan, s’attelant à expliquer l’origine du nom de Solo – et oui, elle sera liée à sa solitude -, à raconter sa rencontre avec Chewbacca, ou à lui inventer une histoire d’amour tragique, seule explication possible à l’endurcissement de surface d’un cœur resté tendre.

La réalisation, désincarnée, récupérée en cours de route par Ron Howard, ne s’en distingue pas : elle pioche çà et là des effets visuels déjà périmés, y greffe la musique familière et sur-signifiante de John Williams n’importe où, ne rend jamais l’action intelligible, fige ses acteurs dans un non-jeu permanent. Un peu perdus dans des costumes assez laids et des dialogues abscons, où chaque échange, chaque sentence, chaque trait d’humour tombe systématiquement à plat, Woody Harrelson, Emilia Clarke et Paul Bettany tentent de donner le change en s’impliquant le moins possible dans leurs répliques.

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Avec le peu que lui permet le rôle-titre et son talent, avéré, Alden Ehrenreich décide plutôt de ne rien faire, vraisemblablement pétrifié par la statue de Commandeur dressée à la gloire et à l’onde de charme du génial Harrison Ford. Il n’a sans doute pas tort de croire que l’interprète iconique était pour beaucoup dans la popularité d’un personnage que d’autres auraient rendu insupportable ou simplement superflu. Mais rien n’était impossible, puisque la figure de baroudeur de Solo, homme-enfant vantard, renfrogné et à la misanthropie préventive, n’est pas absente du (non-)film : elle prend vie chaque fois que le Lando de Donald Glover y déploie quelques réserves de bluff, de mauvaise foi ou de fausse dignité outragée. Dommage : il ne totalise que vingt minutes de présence à l’écran.

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Suzanne Lay-Canessa

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