
Sarlat: “Reste un peu” de Gad Elmaleh, auprès de moi toujours

Une injonction tendre à rester encore un peu, à ne pas quitter le nid familial. Tout est dit dans ce très joli titre. Gad Elmaleh livre un film sensible, d’une grande acuité, sur la spiritualité, la famille, la liberté. Nous vous conseillons vivement d’aller le voir dès le 16 novembre.
Des plans de Casablanca, quelques images de Gad petit garçon dans un film de famille, et cet aveu très simple : un jour lointain, entrant en cachette dans une Eglise, il a vu une statue de la vierge Marie et s’en est trouvé bouleversé. Depuis, Gad Elmaleh a la sensation qu’elle le protège et, peut-être, cherche un peu de son reflet dans la femme aimée.
La femme de sa vie, nous le comprenons vite, c’est sa maman, au regard si aimant, si enveloppant. Ses deux parents, infiniment touchants, jouent ici avec un naturel bluffant. Blessés, outrés, ils ne comprennent pas la décision de leur fils de se convertir au catholicisme. Pour eux, en agissant ainsi, il part. C’est comme s’ils l’avaient perdu. Le vocabulaire est révélateur, très fort.
Patiemment, avec appréhension, Gad Elmaleh tente d’expliquer son chemin, vers la liberté et l’apaisement. Bataille de mots, à fleurets mouchetés, sur des œufs, avec ses parents. Plus ouverte et humoristique avec sa grande sœur, qui l’adore sans le couver autant des yeux.
D’un plan à l’autre, l’un des parents surgit toujours dans le cadre. Impossible d’échapper à cet amour envahissant. Et à la religion juive ? Est-ce uniquement une religion ? Etre juif, c’est aussi une identité, il y a toujours ce petit quelque chose en plus. Comme tiré par la manche, Gad Elmaleh, au seuil d’une grande décision, réfléchit sur les racines, la foi, la liberté. A cœur ouvert, il analyse son rapport à la religion catholique, où il entre, pour une grande part, un goût pour la beauté. Les rites mieux ordonnés, le visage si pur de Marie, l’attrait de ce qui est défendu aussi. Est-ce, peut-être, une manière de mettre à l’épreuve, jusqu’au bout, la puissance de l’amour maternel ?
Toutes les hypothèses sont envisagées, avec l’esprit, avec le cœur. Le rabbin Delphine Horvilleur nous parle, de manière lumineuse, de cette maison juive où nul ne trouve la porte de sortie. De ce don qu’a Gad Elmaleh pour les choses bancales, un peu cassées. Un artiste et un homme légèrement de travers, en déséquilibre inquiet.
Reste un peu est un film merveilleusement réussi. Drôle par petites touches, extrêmement chaleureux, profondément bon.
Pour poursuivre ce dialogue avec soi, nous vous conseillons, par exemple, le roman de Thierry Bizot, Catholique anonyme (2008), et l’ouvrage de Yaël Hirsch, Rester juif (Perrin, 2014), ou L’évangile selon Saint-Matthieu de Pier Paolo Pasolini (1964).
Reste un peu, de Gad Elmaleh, France, 1h33, avec Gad Elmaleh, Régine Elmaleh, Judith Elmaleh, David Elmaleh. Festival de Sarlat, en compétition. Sortie le 16 novembre 2023.
Visuels: photo officielle du film.