“La ferme à Gégé”, l’école autrement

Le documentariste Florent Verdet a longtemps travaillé comme assistant réalisateur de films documentaires. Pour le deuxième long-métrage dont il assume entièrement la réalisation, il nous emmène en Normandie, sur les traces de Gégé, qui gère une ferme pédagogique.

Gégé a connu quand il était petit, dans les années 1950, un instituteur qui appliquait les méthodes de Célestin Freinet : pour apprendre à lire et écrire aux enfants, il partait de leur quotidien afin d’ancrer les apprentissages dans la réalité concrète. Surtout, par le biais de votes réguliers, il offrait aux élèves la possibilité d’influer sur l’organisation de leur école. Marqué par une expérience encore rare à l’époque, Gégé a entrepris d’éduquer à son tour les enfants. Non comme professeur, mais comme agriculteur qui accueille dans sa ferme pédagogique des enfants venu.es de Seine-Maritime comme de Seine-Saint-Denis.

Gégé est un éleveur : les animaux de sa ferme, notamment les cochons et les poules, servent à faire tomber les barrières et les préjugés. On le voit ainsi montrer aux enfants qu’il existe des cochons noirs, comme il existe des êtres humains de différentes couleurs. Les poules, qui peuvent effrayer par les coups de bec qu’elles donnent aux mains qui les nourrissent, s’avèrent aussi douces que des agneaux : ainsi faut-il se méfier de nos peurs face à ce que l’on ne connaît pas. Au centre de la “Ferme à Gégé” apparaît ainsi un objectif principal : relier les gens entre eux. Cela passe par l’apprentissage du partage et de la solidarité.

Pour mettre en avant le caractère bien rodé des séquences pédagogiques du paysan, Florent Verdet a monté ensemble des scènes qui, avec des enfants différents, passent par les mêmes étapes : l’expression des suppositions des enfants, leur confrontation à la réalité et l’élaboration d’une conclusion. L’une des filles de Gégé, devenue professeure des écoles, le résume lors d’une réunion de famille en évoquant le caractère inductif de leurs démarches éducatives.

Plus que la ferme elle-même, c’est toutefois Gégé le héros de l’histoire : son implication dans la ferme pédagogique, son souci d’essaimer partout en France et sa dénonciation des préjugés racistes, y compris au sein de sa propre famille. Il en ressort un portrait touchant de cet homme qui cherche sans faillir à créer des ponts entre les êtres.

Visuel : Entre2prises – E2P