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It’s a « Long Way Home » pour Angel

It’s a « Long Way Home » pour Angel

18 February 2019 | PAR melanietlmt


Un film baigné de lumière et intimiste, dans lequel Dominique Fishback, véritable révélation, promène son regard fatigué et sans âge, tentant de se délivrer du drame qui a brisé sa famille. Le bruit des vagues peut-il délivrer de la difficulté de survivre ?

Angel sort d’une prison pour mineurs, ses quelques vêtements sur le dos et ses maigres affaires dans son sac à dos. Elle n’a pas grand chose, c’est sûr, et personne ne l’attend à la grille. Son premier réflexe est de se rendre chez le père de sa camarade de cellule, cette dernière l’ayant assuré qu’il pourrait lui vendre un pistolet. Qui a-t-elle prévu de tuer ? Et pour quelle raison ? Les réponses viendront plus tard : pour l’heure, il lui faut un toit. La nuit tombe, et la voilà en route vers le domicile de son ex-girlfriend, dont elle se rend bientôt compte que celle-ci a tourné la page, sans attendre qu’elle sorte de cellule. Bravache, Angel lui assure pourtant qu’elle n’as pas besoin de son aide, et qu’une multitude de filles sont tombées amoureuses d’elle en prison et l’accueilleront avec plaisir. Elle réajuste son sac sur ses épaules, et repart, une fausse détermination masquant le fait qu’elle ne sache pas où aller. C’est finalement un hall d’immeuble qui l’abrite pour la nuit, avant qu’elle ne se réveille, courbaturée, épuisée, et reprenne sa marche silencieuse, cette fois en direction de la famille d’accueil d’Abby, sa petite sœur. Énergique, aussi insouciante que peut l’être une enfant placée en foyer et forcée de se débrouiller seule, cette gamine contraste avec l’apparent flegme de son aînée. Pourtant, elle se révèle moins naïve que prévu lorsqu’elle comprend que sa sœur cherche à retrouver leur père, et qu’elle l’oblige à l’emmener avec elle pour lui rendre visite e lui faisant croire qu’elle ne connait pas l’adresse exacte mais saura reconnaître la maison. Et voilà la jeune fille et sa cadette parties pour une journée à la mer.

Jordana Spiro, dont c’est là le premier long métrage, quitte temporairement la lumière des projecteurs pour le poste sacré de cinéaste. Vue à la télévision dans Dexter ou The Good Wife, et actuellement à l’affiche de la seconde saison de Ozark (diffusée sur Netflix), l’actrice-réalisatrice met en scène un très beau voyage avec son Long Way Home, qui a reçu le « Prix du Jury » au Festival du Cinéma Américain de Deauville en septembre dernier. La fluidité avec laquelle elle filme la trajectoire d’Angel (Dominique Fishback) dénote une maitrise du champ cinématographique, et une puissante réflexion sur l’identité physique de son personnage transparait à chaque plan. Jordana Spiro montre une jeune femme dont le corps ne lui appartient plus vraiment : il sert de monnaie d’échange pour obtenir le revolver dont elle a désespérément besoin, la condamne au silence (on apprend au début du film qu’elle a été abusée plus jeune par un membre de sa famille d’accueil, sans alerter quiconque pour ne pas être placée ailleurs, loin d’Abby) et il fait définitivement partie de la sphère publique (transports en commun, hall, supérette et rues remplacent le cocon protecteur d’un foyer aimant).
La caméra suit Angel dans tous ses déplacements, omniprésente et silencieuse, fantôme rassurant perché sur son épaule quand personne d’autre n’est présent à ses côtés. Quant à la bande-sonore du film, elle est assurée par Matthew Cooper, un des membres du groupe Eluvium, qui signe une musique planante, douce, presque rêveuse, écho sonore du visage mélancolique d’Angel.

Ce long-métrage laisse une sensation douce-amère, la dureté des thèmes abordés étant contrebalancée par la mise en scène solaire de Jordana Spiro et la grâce inhérente de Dominique Fishback. Déguisé en road trip entre deux sœurs, ce film est surtout une histoire sur une vengeance avortée, la peur de ne pas être aimé.e, l’impossibilité de pardonner, la force que possèdent certains individus. Avec son jeu de mot sur la mer dont lui parlait sans cesse sa mère quand elle était petite, et son nom de famille (LaMere), il n’est pas surprenant que le bruit des vagues accompagne Angel au long du film. Et le spectateur aussi, après avoir quitté la salle de cinéma…

Long Way Home, en salles le 13 février

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