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[Critique] du film « Le Teckel » Attachante comédie triste de Todd Solondz

[Critique] du film « Le Teckel » Attachante comédie triste de Todd Solondz

24 October 2016 | PAR Gilles Herail

Todd Solondz signe un film à sketches drôle et désespéré, qui séduit par sa féroce singularité de ton. Le Teckel est construit sur quatre segments tragi-comiques qui traversent tous les âges de la vie, de l’enfance à la grande vieillesse. Proposant une vision cruelle, désabusée, pourtant tendre, des faux semblants et de la solitude de la société américaine. (voir également notre critique publiée après la projection du film au festival de Deauville). 

[rating=4]

Synopsis officiel : Le portrait d’un teckel et de tous ceux auxquels il apporte un bref instant de bonheur au cours de son voyage.

Todd Solondz est un cinéaste indépendant peu connu du grand public, dont les oeuvres (Palindromes, Story Telling, Life during wartime, Happiness et Bienvenue dans l’âge ingrat) n’ont jamais dépassé les 60.000 entrées en France. Son nouveau long-métrage adopte la structure du film à sketches, en choisissant le “Wiener-Dog” comme fil conducteur. Un petit chien dont les yeux laissent transparaitre toute la misère du monde, qui relie les deux premières histoires, avant de s’effacer progressivement dans les autres segments où il n’apparaît qu’en arrière-plan. Le teckel n’est en rien une comédie canine et utilise simplement cette figure comme totem, entre tristesse et tendresse, symbolisant l’identité et le ton du film. Le premier sketch étudie l’arrivée d’un chien comme révélateur des contradictions d’une famille de classe moyenne supérieure américaine. Qui va très rapidement s’irriter face à ce nouvel animal de compagnie dont il va falloir s’occuper plus sérieusement que prévu, lors que l’enfant roi va se lier d’affection avec le mignon toutou. La parentalité US bien-pensante est moquée avec méchanceté à travers le personnage jubilatoire de Julie Delpy, mère indigne prête à tous les mensonges pour rendre compte de ses actes devant son fils unique. Quitte à inventer des histoires sordides de viol canin (perpétué par un “Mohamed” bien-sûr) pour justifier la stérilisation de l’animal.

L’humour noir, féroce, se mêle à des passages décalés, quasi surréalistes, où un gag scato devient un moment poétique et drôle, sur fond de musique classique. Le teckel passe alors dans d’autres mains, rejoignant une grande duduche mal dans sa peau, Greta Gerwig, qui recroise par hasard un camarade de classe tout aussi à la ramasse. Des retrouvailles prétexte à un road-trip familial qui vont les emmener retrouver un frère, trisomique, à qui il faut annoncer une triste nouvelle. Todd Solondz conserve des éléments comiques mais dérive déjà vers plus de profondeur et de tendresse. Une mélancolie incarnée par Danny DeVito, héro du troisième segment, qui emmène le scénario vers des sentiments plus dépressifs, malgré des piques d’acidité. Suivant un prof d’écriture de scénarios sur le déclin, confronté à sa propre obsolescence, boudé par ses pairs, méprisé par ses élèves. Qui se lancera dans un appel au secours désespéré, impliquant son fidèle compagnon, au sein d’une dernière scène aussi pathétique qu’hilarante. Le sentiment de solitude et la peur de n’avoir su laisser sa trace se confirmeront dans le dernier récit. Où Ellen Burstyn interprète une Tatie Danielle en puissance faisant face à sa conscience alors qu’elle doit se replonger dans ses (mauvais) choix de vie. Todd Solondz signe une comédie triste, ou un drame drôle, déployant un univers singulier, parfois féroce, voire cruel, souvent tendre, trouvant le bon équilibre entre décalage et réalisme. Une très jolie surprise.

Gilles Hérail

Le Teckel, une comédie indépendante américaine de Todd Solondz avec Julie Delpy, Greta Gerwig et Danny DeVito, durée 1h28, sortie le 19/10/2016

Visuels : © affiche et bande-annonce officielles du film

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