Essais
“Sur les chemins noirs” de Sylvain Tesson : un retour à la vie

“Sur les chemins noirs” de Sylvain Tesson : un retour à la vie

24 October 2016 | PAR Marine Stisi

Après un malheureux accident qui lui couta, entre autres, une partie de sa mobilité faciale, Sylvain Tesson, que l’on connaît comme un grand voyageur et écrivain, revient de loin. Aux éditions Gallimard, il publie le récit d’une promesse qu’il s’est faite à lui-même sur son lit d’hôpital : celle de traverser la France à pied si il s’en sortait. Sur les chemins noirs, récit « d’un voyage né d’une chute » est, sur tous les aspects, une réussite.

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Un homme du monde

Géographe et voyageur, écrivain et humaniste, Sylvain Tesson est principalement connu pour ses récits de voyage tels que Petit traité sur l’immensité du monde, Berezina ou le récemment adapté au cinéma Dans les forêts de Sibérie. Pendant des années, le fils du journaliste Philippe Tesson a parcouru le monde, seul ou avec des amis. Il fait le tour du monde à bicyclette, traverse l’Himalaya à pied, les steppes d’Asie Centrale à cheval. Jusqu’en Sibérie, il retrace le trajet des évadés du goulag. De chacune de ses aventures, il publie un livre.

En cette rentrée 2016, Gallimard publie un nouvel essai de Tesson. Celui-ci est, toutefois, un peu différent. En 2014, le voyageur a en effet été victime d’une chute de plus de 10 mètres alors qu’il escaladait la façade d’une maison. Cette chute lui vaut un sévère traumatisme crânien, huit jours dans le coma et des mois d’immobilité et de sobriété. Durant cette période de rémission, il décide de se rapprocher de cette terre qu’il a, d’un certain point de vue, fuit toute sa vie : la France. Et de publier un livre de son expérience : Sur les chemins noirs.

Voyageur dans son propre pays

« Nous nous étions souvent retrouvés dans le désert de Gobi, sur le plateau du Tibet ou au bord du Baïkal. L’Indre ? C’était la première fois ».

Traverser la France à pied. En étudiant la carte d’hyper-ruralité en France, Sylvain Tesson se trace son chemin. Emprunter « les chemins noirs », le plus loin possible de la mondialisation, des connexions wifi, des informations sur le monde extérieur. En marchant dans son propre pays, sur ses propres terres, le voyageur fait le constat du changement. Que sont devenues nos campagnes ? Qui y vit toujours, à part des touristes anglais et hollandais qui repeuplent nos villages délaissés et abandonnés par les anciens récemment installés dans les villes ?

Sylvain Tesson, en traversant cette hyper-ruralité, ce silence, croise des français rares : ceux qui n’ont pas d’iPhone, ceux qui se souviennent du temps jadis parfois, avec une touche de nostalgie :

« -J’allais autrefois battre le linge avec les autres femmes mais il y a les machines à présent. Je retourne presque tous les jours au lavoir pour voir mes souvenirs couler. »

Mais entre deux analyses sociales et politiques sur l’état de nos campagnes (qui se révèlent, d’ailleurs, toujours très pertinentes), Sylvain Tesson prend le temps d’écouter la nature, de la regarder, de partager ses impressions, ses anecdotes, son mal-être aussi. Sa récente chute lui a laissé quelques souvenirs : des maux de dos, des crises d’épilepsie, des insomnies. Mais son corps, néanmoins, suit la cadence et petit à petit, reprend goût à la vie.

Sur les chemins noirs est, pour bien des raisons, un livre émouvant. Et ce retour sur la route, pour un homme qui a fait de la route sa vie, en est une des principales.

Sylvain Tesson, Sur les chemins noirs, Editions Gallimard, 15€, 144 pages.

Date de parution : 13 octobre 2016

Visuel : (c) DR

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Marine Stisi
30% théâtre, 30% bouquins, 30% girl power et 10% petits chatons mignons qui tombent d'une table sans jamais se faire mal. Je n'aime pas faire la cuisine, mais j'aime bien manger.

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