
Biarritz : “Piedra Noche” beau film argentin sur l’imaginaire par-delà la mort
L’argentin Ivan Fund livre un film lumineux sur la mort d’un enfant. La douleur, le deuil se doublent, étrangement, d’un basculement vers la puissance de l’imaginaire. Un film audacieux et émouvant.
Dès l’ouverture, les vagues de l’océan se superposent, inlassablement. La musique, légèrement discordante, accompagne une caméra qui bouge un peu. Quelques séquences heureuses, de bains de mer en famille, de petits-déjeuners, comme suspendues. Tous les ans, Greta (Mara Bestelli) et Bruno (Maricel Alvarez) vont dans leur résidence secondaire avec leur fils unique, Dennis.
L’endroit devait devenir un lieu de travail et de vie, avec la construction d’une plateforme, qui ne sera finalement jamais mise en activité. Fantomatique, la plateforme de fer, érigée là, semble échouée dans le paysage. Alors, pour attirer les touristes, les pêcheurs du coin ont lancé une légende inventée, sur le modèle du Loch Ness écossais : un animal, sorte de monstre marin, hanterait les lieux.
Evocateur, le conte mystérieux agit naturellement sur l’imagination du jeune Dennis. L’enfant a d’ailleurs créé le monstre en créature de jeu vidéo. Moitié dinosaure-moitié moustique, l’animal avance comme un zombie, sur fond rose et vert. Le père observe avec une admiration amusée les inventions de son fils. Qu’est-ce qui existe ? Qu’est-ce qui est mensonge ? L’enfant croit dur comme fer dans l’univers fantastique.
Une nuit, l’enfant s’aventure en cachette, avec sa lampe torche, son sac à dos et son chien, pour aller à la rencontre du monstre, sur la plateforme. Il se noie. Une ellipse nous montre les parents, un an plus tard, en train de vider la maison pour la mettre en vente. La mère appelle sa meilleure amie, silhouette solitaire et lumineuse, qui essaie tant bien que mal de la ramener vers la vie. Le père, quant à lui, bascule. Dans les affaires restituées par la police, le jeu vidéo a résisté à l’eau et fonctionne toujours. Le monstre marin semble vivant, réel. Et si Dennis communiquait avec eux, dans une autre réalité, vraie aussi ?
On pense un peu au beau film espagnol Madre de Rodrigo Sorogoyen (2019), où une mère, errant sur la plage où son fils a disparu, s’attache à un adolescent. Ici, l’enfant est mort, et c’est un couple uni qui doit affronter cette perte.
Progressivement, le glissement vers le fantastique s’opère, de manière douce et naturelle. Les parents n’ont pas d’autre choix que de suivre leur enfant, d’emprunter la même pente, comme dans les contes. Une touche de Jurassic Park, très émouvante, dans ce bord de mer qui tient du village vacances-parc d’attraction.
Ivan Fund filme avec pudeur et simplicité la force de vie de la croyance.
Visuels: photo officielle du film. Festival du film d’Amérique latine de Biarritz 2021, compétition officielle.