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(Valence) “to.braid — to.gather”, le solo show de Naomi Melville à la Galerie The Liminal

(Valence) “to.braid — to.gather”, le solo show de Naomi Melville à la Galerie The Liminal

16 January 2021 | PAR Yaël Hirsch

Toute La Culture a pu faire une visite virtuelle et précise du solo show de la plasticienne Naomi Melville à la Galerie The Liminal, visible sur place jusqu’au 22 janvier 2021. L’artiste française, pensionnaire de la Casa de Velázquez en 2019, nous y fait découvrir son univers minutieux aussi bien en histoire qu’en géographie, entre inquisition, cadran solaire et vocabulaire irradiant…

L’artiste a donc donné rendez-vous, sur zoom, à plusieurs journalistes et après être allée inaugurer physiquement son exposition en Espagne à l’automne, c’est, avec une technologie de visite en 3D qui permet de zoomer et dézoomer, qu’elle nous présente son exposition personnelle à la galerie The Liminal. Elle a rencontré le fondateur de la galerie à la Foire d’Art contemporain ARCO à Madrid et de cette rencontre a découlé l’exposition. Nous entrons dans son univers par une pièce mémorielle, faisant partie de son projet sur l’Inquisition à la Casa de Velázquez : l’installation Relire-Relier, qui met en scène sous forme de poutre gravée sur trépied la manière dont les marranes ont caché des fragments de Bible dans d’autres livres. Ayant elle-même de la famille lointaine liée à cette histoire des crypto-juifs, elle grave la poutre en pin sur sa tranche et sur le méplat et choisit ses textes dans les livres qui ont abrité le texte clandestin. L’horizontale et la verticale jouent sur la reliure et la relecture, dans une œuvre qui invite à travailler le montrer-cacher, l’intérieur et l’extérieur dans la lumière de l’Histoire et de l’exil.

Sur le mur derrière, c’est toujours de mémoire qu’il s’agit avec l’œuvre Suspecté d’hérésie, une toile de coton tissée, où l’artiste a commencé par dessiner puis diffracter les visages des “coupables” d’hérésie tels que décrits dans les livres de l’inquisition. C’est un petit Guernica raffiné et minutieux qui s’étale devant nos yeux, et nous enjoint d’aller chercher les nez, les bouches, les yeux des condamnés. Encore sans titre, une troisième œuvre place sur un planisphère les lieux où la famille de l’artiste a résidé et l’on voit les mouvements.

Plus loin, un dictionnaire collaboratif sous format de photo-lithographie ressemble plus à un bas-relief ancien avec sa séduisante géométrie qu’à Wikipedia et pourtant, les mots des uns résonnent avec ceux des autres pour créer un vrai “web” de significations, qui sont d’ailleurs reprises dans un livret. Une autre série d’œuvres réalisées en résidence en Guadeloupe et réunies sous le titre Araser tente de réparer visuellement la route laissée à l’abandon par une culture locale : le jus de groseille, si fragile qu’il n’est pas exportable. 

À l’étage, sur la terrasse, le système de visite en 3D ne fonctionne pas, mais une photo permet de découvrir l’installation la plus actuelle de l’artiste : c’est une série de 7 étages de plexiglas accumulés à l’horizontale et reliés à la verticale par des socs de charrues. Certains sont des vestiges authentiques, d’autres ont été moulés de blancheur qui reflète le soleil. Alors que l’on peut lire diverses techniques d’assolement et de rituels de culture et de jachère de la terre sur les plexiglas, à l’horizontale toujours, cette œuvre réfléchit, avec ses symboles, notre écosystème et son développement à travers les âges. 

Minutieux, interrogeant de manière presque scientifique notre manière de vivre à travers les sutures du passé, l’art de Naomi Melville est aussi fort en histoire qu’en géographie pour s’inscrire et nous inscrire dans un territoire. La part autobiographique est assumée et irrigue avec élégance et authenticité l’œuvre. Les faits sont pesés, accumulés et la curiosité alimente un univers visuel plurimédia que nous avons eu la chance de voir avec émotion, même à travers notre écran d’ordinateur. Un travail riche et une œuvre que nous suivrons avec attention !

Visuels: (c) David Zarzoso. 

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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