
Mapping at last à la galerie Eric Mouchet : la cartographie dans tous ses états
Jusqu’au 25 mars 2017, la galerie organise une exposition collective avec une dizaine d’artistes de générations confondues et qui ont travaillé autour d’une question : en quoi la cartographie est un bon moyen d’expression ?

Quand les murs de la galerie Eric Mouchet deviennent un atlas de plusieurs cartes… Jusqu’au 25 mars 2017, l’exposition Mapping At Last invite à se laisser aller pour emprunter un itinéraire inconnu. Léo Marin, commissaire de l’exposition et programmateur jeune création à la galerie Eric Mouchet, part d’une affirmation de plus en plus confuse : « Très souvent, dans les textes écrits sur la jeune création, on dit que l’artiste cherche à trouver sa place dans le monde qui l’entoure et cela devient une phrase récurrente vidée de son sens et qui ne veut plus rien dire ». Dès lors, une question se pose : quel est le rapport des artistes avec la carte ?
Pour Léo Marin, « L’étude du monde qui nous entoure est la géographie et le résultat premier de la géographie est l’établissement de cartes. Une carte est la représentation imagée d’un regroupement de données choisies. La carte n’est pas forcément une carte IGN, routière ou à plat ».

A l’entrée, le paillasson « Welcome » de Pierre Chevron donne la tendance. Une bande jaune de scotch marque une frontière, une ligne de démarcation. « On ne peut pas parler de carte ou d’espace sans parler de frontière » nous rappelle Léo Marin.
La suite du parcours se poursuit avec l’installation De Rien, à Rien en passant par Rien, d’Emilie Akli. Au départ, elle a rentré le nom « Rien » dans Google Maps et elle a trouvé 3 lieux-dits, Rien, en France, aux Pays-Bas et en Autriche, ce qui forme presque un triangle équilatéral. Emilie Akli a imprimé l’itinéraire, en tout 128 pages. Elle a décalqué l’itinéraire et elle a remarqué que cela prenait autant de temps que de faire le trajet à pied. C’est une installation de plusieurs supports : trois rouleaux de calques, des vues satellites des lieux-dits et des cartes postales anciennes où l’on voit des gens faire du surplace. En face de cette installation, un vélo d’appartement complète une thématique intéressante, celle d’aller nulle part, de regarder des lieux-dits qui s’appellent Rien tout en ayant l’impression de se déplacer.

Mais la carte reste la trace du voyage réel. Léo Marin rappelle que «beaucoup voyagent et ont une fascination pour la carte car elle permet de se projeter dans un endroit dans lequel on n’est jamais allé ou où l’on a déjà été. La carte est un superbe outil pour la projection mentale. Elle replace, emmène ou nous perd complètement ». Julien Discrit étudie toutes les sédimentations du limon du Mississippi pour établir une image qui va donner tous les passages du fleuve depuis que l’on a commencé à l’analyser.
Armelle Caron élabore des atlas de la mémoire dans lesquels on trouve des cartes de toutes les chambres dans lesquelles elle a dormi.

La plus belle histoire est sans doute celle de Capucine Vever. L’artiste a lancé une balise GPS à la mer et elle a suivi son trajet en donnant son adresse mail. La dernière personne à avoir retrouvé l’objet était chargée de nettoyer l’océan. Elle a rencontré Capucine Vever après avoir laissé cette balise à la mer.

La carte est aussi l’expression de l’intime et de l’imaginaire. Les photographies de Juliette Feck évoquent des constellations soumises à l’approbation de la galaxie. Armelle Caron dessine une fresque immense, un paysage né des histoires qu’elle raconte à son fils. Bérénice Lefebvre, en collaboration avec Tim Defives, transpose les chantiers de no man’s land en montages photos et en sculptures sonores tandis que Benoit Billotte reproduit, au sel, les potentielles traces d’eau sur Mars. Selon Léo Marin, « l’idée est de montrer que le très près existe mais le très loin pourrait exister aussi ».

Mais Mapping At Last a aussi sa part d’engagement. Les sérigraphies d’îles sur une couverture de survie, signées Benoit Billotte, évoquent à la fois la fragilité du support et de ces terres que le réchauffement climatique condamne à une disparition prochaine. Les feuilles sur lesquelles sont esquissés des plans d’urbanisme grandissent, déforment le dessin et sont une métaphore de l’urbanisation galopante. Florent Morellet délivre des prédictions inquiétantes et minutieuses sur notre civilisation après une sinistre montée des eaux en 2050 alors que dans son atlas à la couverture et aux pages blanches, Golnaz Payani y découpe les formes des pays de la planète, à la même échelle, une manière de montrer qu’il n’y a pas de grandes ou de petites nations mais une universalité de territoires.

Insulae ©Robin Lopvet
Réceptacle de nouvelles pratiques artistiques, originaire des relevés topographiques, GPS, des moteurs de recherche, d’un vécu plus ou moins proche ou de l’imagination, la carte est une géographie de nos existences, de nos émotions, de nos réflexions et de nos convictions dont l’itinéraire mène vers des infinis libérés des contraintes de l’espace et du temps.
L’exposition Mapping At Last dessine les contours d’un territoire-monde à la fois intérieur et universel, humaniste et mystérieux mais dont la complexité est intacte et l’exactitude une utopie. C’est pour cela que la carte n’a pas fini de déplier ses horizons…
INFORMATIONS PRATIQUES :
Mapping At Last Jusqu’au 25 mars 2017 Galerie Eric Mouchet
45 rue Jacob 75006 Paris
Du mardi au samedi de 11h à 13h et de 14h à 19h et sur rendez-vous.
01 42 96 26 11 / [email protected]