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[INTERVIEW] Pierre Gaignard à la galerie Eric Mouchet : la mécanique de la curiosité
2 Cups Stuffed… C’est le titre de la première exposition personnelle d’un jeune artiste, Pierre Gaignard, à la galerie Eric Mouchet, jusqu’au 5 mars 2016.
Ses œuvres sont à la fois des films mais aussi des sculptures uniques, assemblage de métaux, de moteur d’essuies-glaces, de câbles, de ressorts mais aussi de chaussures de sport et même un maillot de football américain.
Toute la culture a rencontré Pierre Gaignard, artiste libre et témoin d’un intérêt pour la vie, les traditions héritées du passé et la modernité.

©Rebecca Fanuele
La galerie Eric Mouchet ressemble ces jours-ci à un atelier où le métal est roi, où d’étranges machines sont en pole position pour interpeller notre réflexion, où les bruits et les mouvements réguliers rappellent la mélodie incisive des usines… Autant dire que dans un quartier comme celui de Saint-Germain-des-Prés cette atmosphère peut surprendre. Mais que cela vous étonne est tout à fait normal… C’est même l’un des objectifs de l’exposition de Pierre Gaignard, jeune artiste présenté jusqu’au 5 mars 2016.
Ses films sont des documentaires qui relatent des réalités sociales découvertes lors de son séjour en Italie, des pratiques et des coutumes telles la fabrication artisanale de brochettes de brebis et la production d’huile d’olive, mais aussi une passion pour la culture urbaine américaine des années 90 dont l’aboutissement est un film sur un rappeur américain. L’une de ses chansons, 2 Cups Stuffed, donne d’ailleurs son titre à l’exposition.

Capture du film, vidéo HD 720P, 48 min
Réalisateur avant tout, Pierre Gaignard complète les témoignages de ses expériences par une preuve matérielle, des pièces inqualifiables, sortes de totems d’un folklore qui prend vie grâce à l’électricité, semblables à des barrières dressées contre les assauts de la modernité qui ont déjà exproprié ces traditions fragiles.
Pierre Gaignard nous parle de son travail protéiforme, inspiré du simple regard à la fois attentif et détaché de la vie qui passe.
Pierre Gaignard, l’Italie est une des sources d’inspiration de votre travail…
Pierre Gaignard : J’ai décidé d’habiter en Italie pour une raison obscure et que j’ignore encore. Je regardais de nombreux films de Pasolini et j’ai voulu voir ses décors et l’ambiance de ses films. C’est pour cela que j’ai choisi de résider là-bas. Je suis arrivé à Rome et l’ambiance de la ville correspondait bien à ce qu’il y avait dans les films de Pasolini.
De nombreuses pièces présentes dans l’exposition ont été conçues dans les Abruzzes. Dans cette région, située à deux heures de Rome, je faisais des films pour des archéologues. Je suis arrivé par hasard dans un village, Abbateggiu. Sur place j’ai participé à toutes les activités locales, ramasser le raisin, couper du bois, cueillir des olives… J’ai été « adopté » par la population et j’ai eu une maison et un atelier. Lors de ce séjour, j’ai découvert les traditions, les peurs, les joies et l’histoire de ce village.

©Rebecca Fanuele
Cette exposition n’est pas que l’évocation de votre séjour en Italie…
Pierre Gaignard : En effet. L’exposition propose deux projets.
D’une part, on vient d’en parler, celui où je me suis immergé à Abbateggiu, ce petit village des Abruzzes, et d’autre part un film, une sorte de biographie sur un rappeur d’Atlanta aux Etats-Unis, Young Thug, un film tourné à partir d’images récupérées sur Internet.

Quel est le lien entre vos films et vos sculptures ?
Pierre Gaignard : Je fais essentiellement des films. L’un d’eux concerne la production d’huile d’olive grâce à une machine qui fait un bruit important et qui ne permet pas à ceux qui l’utilisent de chanter dans les champs pendant la récolte.
Au bout d’un certain temps j’ai voulu refaire et concrétiser cette machine qui sert à recueillir des olives, tout simplement.

L’une des pièces les plus originales de l’exposition s’appelle Il Cornutto. De quoi s’agit-il ?
Pierre Gaignard : Il Cornutto, que l’on peut traduire par « le cocu », est une espèce de personnage mythologique bizarre, une sorte d’épouvantail. Il s’agit en fait du déguisement que j’ai utilisé au cours d’une procession au cours de laquelle des mariés défilent pour conjurer le sort de la fidélité de leur couple. C’est une procession annuelle. Les mariés se promènent dans tout le village avec des cornes et invitent les habitants du village à faire de même. Du coup, lors du défilé, je me suis créé mon propre déguisement.

Dans Lu teremute, on voit une grosse pierre. On dirait un cœur qui bat. Quel est le sens de cette œuvre ?
Pierre Gaignard : Le tremblement de terre est présent dans la tête de tous les habitants du village où j’ai résidé. Les uns en ont vécu, les autres en ont entendu parler. Tous les habitants redoutent les tremblements de terre et en même certains les voient comme le signe d’une renaissance prochaine. Ces conversations sur les tremblements de terre m’ont marqué et j’en suis donc arrivé à cette roche.
Propos recueillis par Christophe Dard.
INFORMATIONS PRATIQUES :
Pierre Gaignard 2 Cups Stuffed
Jusqu’au 5 mars 2016
Galerie Eric Mouchet
45 rue Jacob 75006 Paris
Du mardi au samedi de 11h à 19h
www.ericmouchet.com