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“I don’t like the sea”, Emilie Bazus et Zoé Rumeau : le voyage comme quête et épreuve, à la galerie Laure Roynette

“I don’t like the sea”, Emilie Bazus et Zoé Rumeau : le voyage comme quête et épreuve, à la galerie Laure Roynette

11 December 2018 | PAR Pauline Lisowski

Pour la seconde fois, Emilie Bazus et Zoé Rumeau exposent ensemble à la galerie Laure Roynette. Emilie Bazus est peintre et Zoé Rumeau explore le dessin et la sculpture. Cette exposition est née de leur idée commune de travailler sur la migration, sur l’habitat précaire et les voyages, moments d’espérance, semés d’embûches.

Emilie Bazus a porté son attention sur les cabanes des migrants de Calais. Sa nouvelle série d’huiles sur toile fait référence à des ouvrages – Journal de bord sur la prudence, bateau de sauvetage de MSF en Méditerranée d’Erri De Luca et Gros œuvre de Joy Sorman – qui décrivent des paysages de campements.
Baignées d’une étrange lumière et de couleurs fluo, entre jour et nuit, ces cabanes de divers tissus colorés manifestent un état de transition. Cette luminosité quasi irréelle amène une certaine instabilité à ces habitations, l’impression que quelque chose allait en sortir, ou que la nature aller y rentrer. À la fois vides et pleines, ces cabanes semblent flotter sur un sol, mouvant. Cette lumière apporte un caractère merveilleux à ces demeures précaires, où règne un esprit de savoir-faire, d’union, une volonté de retrouver un lieu à soi. À la suite de son travail pictural sur les drapés, l’artiste s’est intéressée aux différentes matières que les migrants utilisent pour s’abriter. Elle met en évidence l’ingéniosité de leurs constructions réalisées avec des matériaux trouvés sur place.
Anonyme, le titre de ses peintures renvoie à ces abris qui témoignent d’un moment entre installation et mobilité. Aucune personne dans ces paysages, le vide, et pourtant ces architectures de fortune semblent occupées, habitées. Emilie Bazus nous invite à porter un autre regard sur les lieux investis à la marge et dont les habitants sont bien souvent rejetés. Ses abris peints présentent un aspect chaleureux, symbolisent le réconfort, la possibilité de se poser au contact de la nature, elle aussi résistante.

Zoé Rumeau présente un ensemble de nouvelles œuvres qui font suite à sa rencontre et à son engagement envers les migrants du CHU (Centre d’hébergement d’urgence pour migrants) à Ivry.
Sur des cartes du monde, au fusain, elle a brodé au fil d’or des trajets. La broderie renvoie à la tentative de retrouver de nouvelles racines. Elle suggère également les frontières des pays se délitent. Les liens que l’artiste a tissé avec ces hommes, ces femmes et ces enfants se retrouvent à travers des portraits et des sculptures. Des portraits au fusain traduisent leur vécu. Une émotion se lit à travers leur visage et la dorure apporte la renaissance, l’espérance d’une vie nouvelle.
Zoé Rumeau a établi des contacts si profonds avec ces migrants qu’elle a pris soin d’en témoigner et de rendre compte de l’énergie que ces personnes déploient pour poursuivre leur route. Une sculpture en bronze présente deux mains s’accrochant à une échelle. Elle convoque la survie, l’épreuve, la force d’une résistance. Sculptées, prises l’une dans l’autre, les mains renvoient aux liens familiaux et à la puissance du contact comme transmission d’une force, d’une assurance de continuer d’avancer.
Une barque constituée d’un entrelacement de branches répond aux peintures d’Emilie Bazus. Elle suggère un moment d’attente et témoigne de la capacité à fabriquer son moyen de transport avec des matières trouvées directement sur place. Cette œuvre renvoie à un paysage à la fois parcouru ou projeté d’être terre d’accueil.
Ainsi, tel le souligne le titre de l’exposition, la mer est une frontière. La traverser relève de l’épreuve, d’une fuite vers un nouvel horizon. Emilie Bazus et Zoé Rumeau témoignent de cette échappée teintée d’espérance et révèlent notre condition humaine.

visuel (c) Emilie Bazus et Zoé Rumeau, vue de l’exposition / courtesy Galerie Laure Roynette. 

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Pauline Lisowski

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