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Vernissages de printemps à la Piscine de Roubaix

Vernissages de printemps à la Piscine de Roubaix

23 March 2022 | PAR Nicolas Villodre

Quatre expos pour le prix d’une à la Piscine, qui viennent compléter jusqu’au 29 mai 2022 l’offre culturelle permanente de cet établissement attachant fondé et animé par le conservateur Bruno Gaudichon : Boris Taslitzky, peintre “réaliste” socialiste”, Johan Creten, sculpteur animalier “contemporain”, Gérard Cochet, peintre néoclassique et dessinateur de costumes et de décors de théâtre et de ballet, et un trio de céramistes québécois actuels, un peu plus “conceptuels” sur les bords, Amélie Proulx, Pascale Girardin et Laurent Craste.

L’art en prise avec son temps

Tel est le sous-titre de la rétrospective et du catalogue consacrés à Boris Taslitzky (1911-2005), un double événement que nous a commenté la commissaire Alice Massé en présence de la fille de l’artiste, Évelyne Taslitzky. L’agencement de cet accrochage réunissant une cinquantaine d’œuvres suit un ordre chronologique, constitué de différentes périodes du peintre – et d’autant de manières – dont certaines relèveraient plutôt de “stations” d’un chemin de croix. Il faut dire que Taslitzky cumulait les handicaps au temps du second conflit mondial : juif d’origine russe et ukrainienne, communiste, résistant, il est interné pour raison politique d’abord à Riom, puis transféré à la prison militaire de Mauzac, avant d’être envoyé à Buchenwald en juillet 44.

Avant, pendant et après-guerre, il ne cesse de dessiner et de peindre, influencé par les plus grands : Poussin, Rubens, Greco, David, Ingres, Delacroix, Géricault, Rude, Goya, Daumier, Courbet. Il adhère en 1934 à l’A.E.A.R. (Association des écrivains et artistes révolutionnaires) et célèbre les petites gens, les ouvriers, les prolétaires, la Commune, le Front populaire, les congés payés, les Républicains espagnols. Près de 200 dessins meublent l’attente du conflit durant la “drôle de guerre”. Après la débâcle, l’Occupation, la zone libre, la captivité, arrive la Libération. Le thème de la décolonisation marque son art “engagé” par la suite, de l’Indochine à l’Algérie. Nous avons été plus sensible à ses portraits, peints ou dessinés, y compris dans un style expressionniste, qui traduisent son état d’esprit en des temps tourmentés.

L’art pour l’art

L’art appliqué, qu’il soit au service de la cause du peuple ou d’une autre discipline que la sienne, on le trouve aussi, par exemple chez Gérard Cochet (1888-1969), artiste figuratif talentueux qui n’a rien d’un autodidacte puisqu’il fut formé à l’Académie Julian. La Piscine lui rend hommage en montrant un bel ensemble de dessins de costumes et de décors de théâtre et de danse, réunis et commentés par les commissaires Patrick Descamps, Amandine Delcourt et Alice Massé. Loin de l’avant-garde, politique ou artistique, sa peinture touche par sa finesse, sa délicatesse, sa technique sans faille. En traitant d’œuvres et de sujets variés (Manon, Les Noces de Figaro, Leonor de Silva, Amphitryon 38…) Cochet n’illustre, de fait, dans un style on ne peut plus classique, que l’art de la peinture.

Avec quatre céramistes bien différents, on passe de la 2 à la 3D. Le Belge Johan Creten se livre à une performance de Stand-up s’auto-commentant après une brève présentation du commissaire Colin Lemoine. Ayant œuvré dans le neuf-trois (à Aulnay-sous-Bois), visant à boucher les trous des murailles de béton par des rustines en terre cuite, il produit de considérables sculptures soigneusement émaillées, des pièces uniques représentant des bestioles, inspirées par la fable russe Le Scorpion et la grenouille, citée par Lev Nitoburg en 1933 et rappelée par Orson Welles en 1958. Une magnifique monographie, publiée par Gallimard met en valeur la production de Creten. Enfin, la céramique québécoise actuelle est mise à l’honneur autour du grand bain. Celle, iconoclaste, de Laurent Craste; celle, totémique mais sans tabou, de Pascale Girardin; celle, à la pureté virginale écolo, d’Amélie Proulx.

Visuel : Boris Taslitzky, Les Témoins, 1945, ph. Nicolas Villodre

Peau et mystique d’Alexandra Bircken et Bianca Bondi
Les Ukrainiens sont venus nous parler à L’Odéon-Théâtre de l’Europe
Nicolas Villodre

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