Les regards de Doisneau sur le Muséum d’Histoire Naturelle
Dès demain, la merveilleuse Grande Galerie de l’Evolution se pare des photographies de Robert Doisneau. Le photographe a par deux fois et à 50 ans d’écart eu la chance de se glisser dans les secret de la recherche scientifique. Une exposition qui offre un regard inédit sur un monde par définition inconnu.
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Certes, on se délecte des milliers de spécimens qui dorment sous la verrière. Mais comment sont-ils trouvés, conservés ? Quelles sont les recherches qui permettent de comprendre les liens et les interactions entre les espèces ? En plein Régime de Vichy, Doisneau joue le rôle du photo-reporter. Il photographie les scientifiques au travail. Paul Budker ému, contemplant les bébés requins, Robert Willmann écrasé par les classements des herbiers. Autant de secrets sont ici déployés sous le regard bienveillant et la touche lumineuse du photographe.
Doisneau capte les ambiguïtés du moment, que la scénographie parfaite de Laurence Fontaine met parfaitement en valeur en proposant une galerie dans la galerie, faite de cadres qui nous mettent face aux œuvres et à l’histoire. Une section, la plus percutante, se concentre sur le Musée de l’Homme, les photographies “témoignent de l’activité de recherche sur les collections d’anthropologie et d’ethnologie“, elles ont été “prises quelques mois après le démantèlement du réseau de résistance du Musée de l’Homme et l’exécution des chercheurs Anatole Lewitsky et Boris Vildé au Mont Valérien le 23 février 1942 tandis que d’autres membres de l’équipe dont la bibliothécaire Yvonne Oddon, sont déportés. Le directeur Paul Rivet, relevé de ses fonctions par le gouvernement de Vichy dès 1940, est en exil en Colombie, remplacé par Henri Vallois qui lui rendra sa chaire à la Libération”. L’image d’une chercheuse qui tient dans ses mains une momie péruvienne impose par son manque de légèreté et son clair-obscur tellement maîtrisé.
On découvre ici un autre Doisneau, qui s’enferme dans les méandres à la fois du muséum, du musée et du Zoo. Découverte folle d’un monde qui semble avancer si lentement en comparaison de ce qu’il manipule. Deux séries se mêlent ici, 1990 fait miroir avec 1942. Seules les chaussures permettent vraiment de savoir que l’époque est autre quand on admire “un gorille dans l’ascenseur” issu de la zoothèque.
Magnifique exposition donc, qui donne à voir 128 photographies et également des planches contact et sublimés par un catalogue très fourni à sortir chez Flammarion.
Visuels : (c) Robert Doisneau