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“Croyances, faire et défaire l’invisible” à l’Institut des Cultures d’Islam

“Croyances, faire et défaire l’invisible” à l’Institut des Cultures d’Islam

15 March 2020 | PAR Yaël Hirsch

Sur les deux sites du Vieux Léon et de Stephenson, l’Institut des Cultures d’Islam organise, avec Afrique in visu et le commissariat de Jeanne Mercier, un parcours décloisonné et parfaitement hétérodoxe du croire aujourd’hui en Afrique. A travers le travail de 16 photographes ou vidéastes qui se saisissent de la question du croire, le lien entre foi, performance et récit se tisse, jusqu’à la façade même de l’ICI.

Si l’on entre par le bâtiment de la rue du vieux Léon, l’on se rend tout de suite compte que ce croire contemporain que présente l’ICI n’est absolument pas normé puisque l’on commence par la “Transe”. Les photographies hâlées de Bruno Hadjih enquêtent sur le soufisme et ses extases en formes floutées et couleurs mordorées. La vidéo de Léonard Pongo “Necessary evil” (2013, 11’19) nous fait entrer dans l’univers des “églises du réveil” de Kinshasa dans un mélange d’extraits en noir et blanc et en  couleur, entre documentaire et témoignage(s).

La section suivante est dans le syncrétisme musulman et nous fait entrer par une très belle scénographie dans l’univers familier et inquiétant des “Djinns”, ces esprits intermédiaires que consultent les sorciers. Les jumeaux nigérians ou “Ibeji”de Bénédicte Kurzen et Sanne de Wilde s’exposent dans des photos qui saisissent également des cieux profonds. Les Djinni Diaries de Btihal Remli exposent presque cliniquement dans des clichés d’objets quotidiens sur fond blanc la manière dont les esprits se cachent dans le domestique. Dans une installation de photos qui interpelle, Mohammed Laouli donne à voir le mausolée de Sidi Moussa ou Abou Moussa Ad Doukkali, à Salé (Maroc) où les femmes en quête de fertilité viennent sacrifier une poule noire. Enfin, Nicola Lo Calzo interroge dans “Tchamba” le vaudou guinéen, porté par l’histoire de l’esclavage.

Sur la façade du Vieux Léon, Josefa Ntjam propose une explosion d’images numériques, un peu magiques…

Dans l’entrée majestueuse de la rue Stephenson, la quête est moins mystique mais tout aussi étonnante. Les immenses photographies réunies sous le thème des “corps sacrés” jouent avec les catégories et les genres. Les immenses “black popes” de Samuel Fosso interpellent sur le fait de savoir si le Vatican aura enfin un jour un pape venu d’Afrique et la longue silhouette d’une femme sur un minbar (tribune de prière d’où officie l’imam) dans une photo signée Maïmouna Guerresi pose la question des femmes imams.

Enfin, réunissant les trois monothéismes sous un symbole assez ironique : l’agneau pascal, du sacrifice d’Isaac et de l’Aid, Nabil Boutros fait de la condition ovine la nouvelle vie des superstars. Dans les étages, c’est la divinité du Wifi qui est interrogée à travers des performances de Seumboy et un déroulé informatique très peu rationnel de Tabita Rezaire.

Enfin, dans la dernière salle, nous partons en voyage initiatique, à travers des photos panoramiques de Eric Guglielmi, les fresques collectives de Giya Makondo Wills et la fable réparatrice et toujours très visuelle de Rahima Gambo.

Parcours qui montre la diversité et la profondeur des fois dans plusieurs pays d’Afrique, et comment les narrations et les images se teintent de métissage, l’exposition s’accompagne d’une série de performances et de rencontres, dont une performance sur smartphone de Seum qui aura peut-être lieu ce samedi 21 mars et puis les 6 juin et 4 juillet à 17h, et un concert de Vaudou Game le 3 juillet. 

Visuel : affiche / Land of Ibeji (détail), 2018, Bénédicte Kurzen et Sanne de Wilde, NOOR

Infos pratiques

L’ICI Léon
Théâtre Sébastopol
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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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