Albert Marquet au Musée d’Art moderne : le spleen en peinture
Peintre méconnu, souvent cité parmi les Fauves, Albert Marquet retrouve sa juste place, grâce à une rétrospective complète proposée par le Musée d’Art moderne de la ville de Paris. À (re-)découvrir jusqu’au cœur de l’été.
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Dans la rotonde d’introduction, face à une photographie de Marquet, court la chronologie de sa biographie : mais que sait-on vraiment de la personnalité et de la vie de Marquet ? Peu de choses en réalité, si ce n’est que l’homme était un infatigable voyageur, écumant les ports comme d’autres les bars, toujours à l’affût de nouveaux angles, de nouveaux vaisseaux, comme pour vérifier si les eaux sont plus bleues au lointain…
Car une fois le seuil de l’exposition franchi, hormis la première salle qui nous situe le contexte de sa rencontre avec Matisse, Manguin et d’autres, du temps de sa formation aux Beaux-Arts dans l’atelier de Gustave Moreau, l’œuvre de Marquet frappe par son caractère impersonnel. Nulle connotation péjorative ici, seulement le peintre n’est pas de ceux qui vous invitent dans leur atelier, à partager leur intimité avec les modèles, et encore moins à assister à la toilette de leur femme, comme Bonnard avec Marthe.
S’il montre un trait très vif et sûr au dessin comme à l’encre de Chine, croquant les figures au fil de ses nombreuses déambulations, Marquet se fait bien vite peintre de paysages. Ni tout à fait impressionniste, en dépit de son goût pour la série, ni complètement fauve non plus, amateur de couleurs plutôt sourdes, et d’une facture variable, ne cherchant pas à masquer quelques maladresses.
Des ports de Normandie à Hambourg, des quais de Seine aux barques de pêcheurs sur les rivières, sous la dune du Pyla ou à Alger, l’exposition se parcourt de façon poreuse, fluide comme un ruisseau au calme tranquille. D’une cimaise l’autre, le silence des toiles de Marquet nous emporte peu à peu dans leur douce mélancolie, et l’émotion nous saisit presque par surprise, comme avec la série de vues du Vésuve brossées depuis les barques au pied du port de Naples.
Résolument inclassable, le peintre apparaît pourtant comme le maillon invisible qui parviendrait à réunir autour de lui Bonnard, Matisse, Monet et même Braque. L’exposition porte donc bien son titre : vous venez de découvrir “le peintre du temps suspendu”.
Visuels : © Vue du port du Havre © ADAGP, Paris 2015 / Fondation Collection E.G. Bührle, Zurich / ISEA
Port d’Alger © ADAGP, Paris 2016
Vue de Notre Dame sous la neige © ADAGP, PAris 2016 / Musée d’Art moderne
Vue d’une rivière © ADAGP Paris 2016
La Seine à Poissy © ADAGP Paris 2016 / Musée d’art moderne / Roger-Viollet
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