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Violée et torturée lors de sa détention, la militante iranienne Armita Abbasi a été libérée

Violée et torturée lors de sa détention, la militante iranienne Armita Abbasi a été libérée

09 February 2023 | PAR Juliette Brunet

Arrêtée le 10 octobre 2022 à Karaj, par les forces de sécurités iraniennes, la manifestante Armita Abbasi vient d’être libérée ce mardi 7 février. La jeune femme de 21 ans, accusée d’avoir « fabriqué des cocktails Molotov » et d’être « leader des manifestations » avait été interpellée un mois après la mort de Masha Amini.

Chevelure blonde platine, des mèches bleu-vert, un piercing au sourcil droit, un autre sous la lèvre inférieure : Armita Abassi est devenue l’un des nombreux visages de la répression en marche depuis la mort de Masha Amini, le 16 septembre 2022 à Téhéran. Son assassinat par la police des mœurs, parce qu’elle n’aurait pas porté le hijab selon les prescriptions de l’Islam, a provoqué une immense vague de révolte dans le pays. Depuis, les autorités iraniennes ont sévèrement réprimé toute forme de dissidence, plus de 19 000 personnes ont été arrêtées, selon les Nations Unies. Après plus de cent jours de détention, durant lesquels elle a été torturée et violée, la manifestante Armita Abbasi vient d’être libérée.

Ce mardi 7 février, son père a annoncé sa libération sur Instagram : « Enfin, mon Armita est libérée ». Après une détention durant laquelle elle a été violée et torturée, ainsi qu’un procès maintes fois repoussé, « elle est libre ». Accusée d’avoir « fabriqué des cocktails Molotov » et d’être « leader des manifestations », Armita Abbasi a comparu devant le juge Assef Al-Hosseini, ce dimanche 29 janvier. « Nous avons vécu une période très difficile, mais maintenant je suis extrêmement heureux. Du fond de mon cœur, je souhaite ce bonheur à toutes les familles dont les proches sont emprisonnés. En espérant la liberté de tous les manifestants », a ajouté son père.

Une hospitalisation pour hémorragie du rectum

D’après une enquête publié par le média américain CNN, le 21 novembre 2022, la jeune femme a été interpellée après avoir posté, sans masquer son identité, des messages jugés « hostiles au régime » sur les réseaux sociaux. Arrêtée un mois après le début de la contestation populaire, le gouvernement l’a accusée d’être l’une des « leader des émeutes » et a affirmé avoir retrouvé « dix cocktails Molotov » à son domicile.

Le 17 octobre 2022, elle a été escortée par des hommes armés de la prison à l’hôpital Imam Ali à Karaj : Armita, tremblante comme une feuille, ne cessait de pleurer. « Quand elle est arrivée, (les officiers) ont dit qu’elle faisait une hémorragie du rectum due à des viols répétés », a raconté un membre du personnel médical, ajoutant que « Les hommes en civil ont insisté pour que le médecin l’écrive comme un viol avant l’arrestation ». Le temps que la famille d’Armita Abbasi arrive à l’hôpital, elle avait déjà disparu.

Si plusieurs membres du personnel médical ont affirmé à CNN qu’ils pensaient qu’elle avait été agressée sexuellement en détention, le gouvernement et les médias iraniens contestent ces accusations. « Après que la vérité soit devenue évidente pour tous, ils ont changé tout le script », a témoigné un des médecins. Selon la version officielle, la militante a été traitée pour « des problèmes digestifs », tandis que les médecins l’hôpital Imam Ali ont déclaré que cette affirmation ne correspondait en rien aux symptômes présentés par Abbasi.

Une grève de la faim dénonçant les conditions d’incarcération

Incarcérée dans la prison de Katchoï à Karaj, depuis plus de trois mois, la militante avait entamé une grève de la faim le 2 janvier dernier. Suivie par quatorze de ses codétenues, elle entendait protester contre « les conditions inhumaines et indignes dans lesquelles elles étaient détenues mais aussi du harcèlement et des tortures subis », explique l’avocat franco-iranien Me Hirbod Dehgjazi-Azar, qui recense les exactions commises par les forces de sécurité de la République islamique.

En dépit d’une forte mobilisation sur les réseaux sociaux, notamment avec le hashtag #FemmeVieLiberté (#WomanLifeFreedom en anglais), elles ont dû céder face à « la pression et aux menaces exercées par les responsables de la prison » sur elles et leurs familles. « Aucune de leur revendication n’a été entendue par les autorités. Il n’y a aucune amélioration de leurs conditions de détention, ni de leur situation personnelle », regrette Me Dehghani-Azar. Par la suite, Armita Abbasi, Somayyeh Massoumi, Fatemeh Harbi, Ensieh Moussavi, Fatemeh Nazarinejad, Elham Modarresi, Fatemeh Mosleh Heydarzadeh, Niloufar Shakeri, Niloufar Kardouni, Marzieh Qassemi, Shahrzad Derakhshan, Fatemeh Jamalpour, Hamideh Zeraii, Jasmine Haj Mirza Mohammadi et Maedeh Sohrabi ont été mises en quarantaine dans la prison de Katchoï.

Le viol : une violence pensée et orchestrée par le régime des Mollah

Si les raisons de l’emprisonnement de ces femmes apparaissent vagues, toutes semblent avoir subies des agressions sexuelles lors de leur détention. Dans son rapport, CNN précise la manière dont les forces de sécurité iraniennes utilisent le viol pour réprimer les protestations. Dans son témoignage, une femme kurdo-iranienne, nommée Hana pour sa sécurité, affirme avoir été témoin et victime de violences sexuelles pendant sa détention. Arrêtée par la police iranienne pour avoir brûlé son foulard, elle explique avoir été détenue dans un centre de détention situé dans un poste de police de la ville d’Urmia, dans le nord-ouest de l’Iran. « Il y avait des enfants de 13 et 14 ans qui ont été capturés lors des manifestations. Ils ont été brutalement blessés. Ils ont fait encore plus mal aux filles. Ils les ont violées ». Elle ajoute : « il y avait un hall principal avec des salles d’interrogatoire privées à côté. Un officier prenait une jolie fille, et il allait dans une pièce pour être seul avec elle et l’agresser sexuellement ».

Les groupes internationaux de défense des droits Human Rights Watch et Amnesty International ont également affirmé avoir enregistré plusieurs cas d’agressions sexuelles dans les prisons depuis le début des manifestations à la mi-septembre. Outre la volonté de domination et de répression, violer les vierges ou les femmes suspectées de l’être répond à une stratégie étatique amorcée sous l’ère de l’Ayatollah Khomeini, rappelle l’Institut Gatestone, un think tank international. Interrogé le 7 décembre 1986 sur l’utilisation massive du viol dans les prisons, le le chef du régime des Mollah avait déclaré : « De tels viols sont essentiels pour empêcher ces femmes anti-islam d’entrer au paradis. Si elles sont exécutées vierges, elles pourront y entrer. Donc, les viols sont extrêmement importants pour empêcher ces éléments d’entrer au paradis ».

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