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Michel Loreille et Jean-Michel Laujac : “Le Circuit des Remparts d’Angoulême n’est pas délocalisable”

Michel Loreille et Jean-Michel Laujac : “Le Circuit des Remparts d’Angoulême n’est pas délocalisable”

25 September 2022 | PAR La Rédaction

La 50ème Edition du meeting s’est déroulée du 16 au 18 septembre. Ancrée dans le patrimoine historique de la ville, la manifestation a convoqué une collection de voitures exceptionnelles couvrant 100 ans d’histoire automobile. Rencontre croisée avec Michel LOREILLE Directeur actuel du Circuit des Remparts et Jean-Michel Laujac Directeur du Circuit des Remparts pendant 17 ans, de 1990 à 2007.

Par Farah Malaoui 

Comment définissez-vous le Circuit des Remparts ?

(Michel LOREILLE, Directeur actuel) : Unique. J’étais venu la première fois en 1982 pour le faire interdire. Je suis tombé amoureux de la ville. A l’époque le circuit n’existait pas, il s’agissait d’une démonstration avec Jean Rondo qui avait gagné le Mans et Guy Ligier en Formule 1 qui avait remporté le GP de Suède la même année. A Angoulême, ils roulaient sur les chaussures des spectateurs. La fédération française dont j’étais membre voulait sanctionner la ville, de cette organisation. On a fait l’inverse ! Quelques années plus tard, J’ai contribuer à faire homologuer le circuit pour avoir les conditions de sécurité. C’est unique avec Pau. Monaco fait partie d’une autre législation.

(Jean-Michel LAUJAC, Directeur de 1990 à 2007) : Une histoire passionnelle. Du point de vue de l’organisateur, comme une aventure humaine d’une haute densité émotionnelle, qui demande un engagement total de ses équipes, des bénévoles et des spectateurs. D’un point de vue plus général comme une manifestation singulière dans l’univers du sport automobile historique, qui promeut aussi l’image d’Angoulême. C’est essentiel pour nous. Michel Loreille connaît tous les rouages des courses automobiles et il est aussi sensible au patrimoine historique. Quant à moi, j’ai vécu mes plus grandes passions à Angoulême, c’est ma ville de Cœur.

Vous œuvrez dans différentes manifestations, le Circuit des Remparts a-t-il une particularité, une signature ?

ML : La signature tient à son origine en 1939, c’est l’esprit qui s’incarne dans les voitures d’avant-guerre toujours très présentes, c’est devenu son ADN. La sélection démarre dès les années 1900, à l’exception cette année de Ari Vatanen Champion du monde qui pilotera une puissante BMW M2 Compétition ce dimanche. Pour suivre l’évolution de l’automobile et intéresser un public jeune, nous faisons aussi venir des voitures plus récentes qui vont jusqu’à 30 maximum, mais c’est déjà ancien dans le sport automobile.

JM L : Le choix d’une signature, sans hésitation les Bugatti Grand Prix … qui ensorcellent les Remparts ! Conforme à la volonté passionnée de ses fondateurs qui continue de se transmettre, et la nature géographique de son tracé qui en fait un lieu unique de technicité (un circuit court qui boucle X tours à chaque course avec 7 virages dont 4 à angles droits, 3 épingles à cheveux). C’est une alchimie construite au fil des années qui suscite l’attraction des pilotes et provoque envoûtement du public à participer à cette mise en scène mécanique fondue dans l’architecture historique de la ville.

On célèbre aujourd’hui la 50ème édition. Peut-on oser se projeter 50 ans de plus ?

ML : C’est déjà un petit miracle qu’il existe. Interrompu à plusieurs reprises, le circuit a été ressuscité par une équipe municipale très controversée à l’époque, et il a été sauvé par 2 fois par son ancien organisateur J-M Laujac. Cela devient de plus en plus compliqué de prédire ce qu’il adviendra d’une édition à l’autre. Les passionnés aussi vieillissent, j’ai 70 ans presque l’âge du circuit. La question majeure, c’est la sécurité… et la sécurité c’est un problème de coût. Monaco est menacé pour d’autres raisons, même si ce n’est pas la France et que la législation est différente, c’est un symbole.

JL : Notre Société d’aujourd’hui bascule dans toujours plus de réglementations. Cette manifestation se déroulant sur le domaine public, elle est très exposée à hélas disparaître un jour ; au moins dans sa forme actuelle. Il faut beaucoup de volonté, de courage et de patience pour que les éditions successives aient lieu.

Malgré les polémiques récurrentes sur la dangerosité et les nuisances, …la course n’a pas été déplacée hors de la ville, comment l’expliquez-vous ?

M L : Il y a de nombreux enjeux, mais concernant la pollution par exemple, le circuit pollue moins qu’une journée normale puisqu’on neutralise une bonne partie de la circulation urbaine le jour de la manifestation. Avec le circuit, on veut valoriser l’image du patrimoine. C’est le seul circuit au monde dont le tracé n’a pas bougé jusqu’aux façades des maisons. C’est l’origine même des circuits automobiles de se dérouler en ville. Aujourd’hui on ne pourrait pas le refaire !

JM L : Le Circuit des Remparts d’Angoulême n’est pas délocalisable. Cela n’aurait aucun sens. Son rendez-vous annuel, il le doit à son tracé inchangé qui prolonge son extraordinaire histoire. Pour les pilotes, c’est l’exception à la française.

Cette situation singulière sur le rempart historique de la ville ; diriez-vous qu’elle fragilise la course en remettant en cause régulièrement son existence ou au contraire que sa géographie privilégiée constitue le meilleur argument pour la maintenir ?

ML : “C’est un sujet complexe, souvent par méconnaissance de la part des services publics. La sécurité, c’est quelque chose qui s’étudie. On fait les choses très sérieusement. En dehors de la tôle, il n’y jamais eu un seul blessé à Angoulême. La voiture reste un sport dangereux. Il y a des grands pilotes qui refusent de rouler en ville. C’est différent avec la nouvelle vague de pilotes qui s’entraînent sur simulateur. Je pense au talentueux Matthieu Vaxivière dans son Alpine qui court ce week-end. Lorsqu’il sort de la route sur simulateur, il appuie sur reset et il repart. Ce n’est plus la même approche du danger qu’il y a 20 ans. La peur de la mort a disparu.
JM L  : Au-delà de l’esprit de la compétition automobile qui est mal vu aujourd’hui. Il faut éviter les provocations stériles, et se concentrer sur les messages de rêve et de dépassements que porte une telle manifestation. La situation exceptionnelle de cette course, est le meilleur argument pour la défendre.

Pour projeter cette manifestation dans un futur pérenne, que peut-on faire à échelle d’organisateur ?

M L : Avec une vingtaine d’engagés de plus que les années précédentes, il faut redimensionner les espaces. Le parc Concurrents a déjà été agrandi en 2016, une tribune a été enlevée au profit de plus de fluidité dans le paysage. Il faut aller plus loin, l’infrastructure doit être repensée. C’est très coûteux, et très compliqué.

JM L  : Faire classer le tracé du Circuit des Remparts au Patrimoine de la Ville d’Angoulême. Il subsiste quelques habitants qui ont connu la première édition en 1939. On célèbre les jours de patrimoine actuellement, d’où la nécessité de préserver le circuit des remparts.

Vous êtes très actif dans l’univers de l’automobile, d’où vient votre attachement aux sports mécaniques ?

ML : Mon père était pilote amateur dans sa jeunesse. Il m’a emmené aux 24 heures du Mans, c’est ma « madeleine ». Je suis passionné des voitures d’avant-guerre comme les Bugatti, je possède par ailleurs une Groupe 4 parmi les plus puissantes de l’époque, aujourd’hui les Groupe B font pleurer d’émotion le public.
JM L : J’ai été très attaché et très concerné par le Sport automobile, c’était hier. J’ai été lié au Circuit des Remparts durant 17 ans, une relation quasi charnelle, c’était hier.
Ces passions ne sont pas éteintes, elles peuplent toujours et encore mes rêves éveillés.

Quel est le plateau de vos rêves à voir ou revoir courir au Circuit des Remparts ?

ML : Mon plateau de Grand Prix idéal : les Formules 1 des années 50, qui sont venues mais qu’on ne verra plus ici pour des raisons fiscales. Les enjeux sont trop importants contractuellement pour la voiture comme pour le pilote.

JML
Voir courir Fangio au volant de sa Maserati de 1950 ! C’est le parrain mythique de ce circuit.

Visuels : ©Crédit photo : Merci à ©Quentin Petit / Charente Libre

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La Rédaction

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