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L’interview confinée de Mélanie Perrier : “Cela m’a donné envie de remettre du sensible dans ce quotidien contraint”

L’interview confinée de Mélanie Perrier : “Cela m’a donné envie de remettre du sensible dans ce quotidien contraint”

26 March 2020 | PAR Amelie Blaustein Niddam

À la rédaction, une idée a surgi dans les boucles de mails : faire parler des artistes, leur demander « comment ça va ? » et comment ils vivent leur confinement, ce que cela provoque en eux. Aujourd’hui,  la danseuse et chorégraphe Mélanie Perrier nous répond.

Comment ça va ?

Je suis confinée à Paris et, au pied de mes fenêtres, je vois le bal des tramways vides. J’ai la chance de ne pas être seule, de pouvoir toujours serrer quelqu’une chaque matin dans mes bras et ce, dans un appartement lumineux.

Est-ce que vous sortez encore un peu ou bien êtes-vous totalement enfermée ?

J’ai réduit drastiquement mes sorties à une fois globalement tous les 3 jours avec le rituel des courses que j’essaye de rendre le plus sensible possible. Je m’étonne combien l’air frais me manque et je prend plaisir à ralentir mes pas pour mieux le sentir !

Quelles sont vos routines culturelles pour faire descendre l’angoisse ?

J’écoute beaucoup plus de musique qu’auparavant, en particulier les concerts d’Arte radio chaque jour ainsi que les créations spécifiques initiées par le CCAM Malraux, Scène nationale de Vandoeuvre les Nancy. Dès le 1er jour, je me suis également amusée à créer ma propre mallette artistique en répertoriant toutes les activités culturelles accessibles en ligne. Je l’ai en premier lieu envoyé à des enseignant.es, enfants, aux femmes isolées avec lesquelles je travaille à l’occasion d’un projet du CND. Bref, l’urgence pour moi était, et reste, de maintenir le lien en partageant des œuvres, des spectacles, des concerts, des livres qui me semblent intéressants et ludiques. J’en suis à 10 pages aujourd’hui que j’ai mis en ligne !

Vous êtes danseuse ; comment votre pratique vous aide en ce moment ?

En tant que chorégraphe, je considère la danse comme une mise en mouvements de nos relations aux autres. Aussi j’ai assez vite éprouvé combien cette période de confinement changeait nos liens aux autres (la douloureuse impossibilité de toucher) et notre rapport à l’espace (redécouvrir les variations de la lumière du jour). Cela m’a donné envie de remettre du sensible dans ce quotidien contraint, en lançant depuis quelques jours le recueil du sensible. J’ai demandé à l’équipe de la compagnie de me décrire oralement un geste engageant le toucher dans leur contexte de confinement. C’est pour moi une manière de dresser un recueil de gestes que l’on redécouvre, ou que l’on fait différemment aujourd’hui.

J’ai l’intention d’élaborer plusieurs feuilletons de partitions sonores, bientôt disponibles sur le site de la compagnie. Ce projet me permet d’appréhender autrement mon quotidien en prenant mieux soin des choses et en donnant une autre importance aux petits gestes.

Quels mouvements ou respirations conseillez-vous ?

A l’image de mon travail de chorégraphe, j’essaie de conserver un rapport bienveillant au corps, en privilégiant des pratiques comme l’afcmd, feldenkrais, BMC contrairement à des pratiques plus toniques. L’erreur selon moi est d’engager le corps dans de trop grands contrastes, surtout après cette sédentarité longue et cette immobilité imposée. Bouger oui mais progressivement ! J’ai ritualisé une heure par jour associée à un moment de méditation avec en bande son, selon les jours, Elaine Radigue ou Brian Eno !

Et pour finir avec un peu de légèreté ?

J’observe que la charge mentale a étrangement diminué en cette période de confinement. Je redécouvre le fait de n’avoir à travailler que sur une seule chose à la fois, de mettre plus d’air dans mes journées et pensées. Du coup, j’innove chaque jour dans mes menus d’apéro skype ! (Mais je sens que le monde commence à sortir de sa période de sidération et les réorganisations en tout genre commencent à pleuvoir !)

Alors, est-ce que ce temps révèle quelques plaisirs coupables ?

j’avoue, j’ai quasiment ritualisé l’apéritif à 19h ! C’est surtout l’occasion d’y inclure des amis par skype, de finir la journée tranquillement .

Visuel : © Mélodie Sionneau

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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