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“Le temps et l’amour sont les pièces centrales de l’existence” : le chanteur Albin de la Simone nous parle de son nouvel album, “Les cent prochaines années”

“Le temps et l’amour sont les pièces centrales de l’existence” : le chanteur Albin de la Simone nous parle de son nouvel album, “Les cent prochaines années”

20 March 2023 | PAR Jérémie Laurent-Kaysen

“Il a bien de la chance, ce petit petit moi, qui savoure en silence, un moment dans tes bras”. Une voix posée, calme, parfois presque murmurée. Sur les paroles du chanteur Albin de la Simone, des photos d’enfants serrés contre l’un de leur proche défilent. Certains ont la boucle blonde bien rebondit, d’autres sont tachés de chocolat… Mais tous ont le sourire aux lèvres. “J’ai écrit la chanson ‘Petit petit moi’ en ayant en tête une vague photo de moi bébé dans les bras de ma mère”, confie l’artiste. “J’imaginais l’insouciance et le bien-être de ce bébé dans les bras chaleureux de sa maman qui le protège de la dureté du monde”.

Le 3 mars dernier, Albin de la Simone a sorti son septième album : Les cent prochaines années. Onze nouvelles chansons au rythme des guitares de Sage, le réalisateur, de la harpe mélodieuse de Gustine, des cuivres rutilants de Voyou et de l’inséparable clavier de leur chanteur à la voix délicate.

Interprète et compositeur, Albin a réalisé des albums pour un grand nombre d’artistes tels que Pomme, Vanessa Paradis, Pierre Lapointe ou encore Carla Bruni. En 2018, il sort L’un de nous, nommé aux Victoires de la Musique dans la catégorie “Meilleur Album de l’année” avant de faire une pause dans sa carrière solo. Ce nouveau disque marque un retour en force pour le chanteur, dont le dernier album sorti en 2021, Happy End, était uniquement instrumental. Pour donner vie aux nouveaux titres, plusieurs concerts sont déjà annoncés : du 5 au 7 avril au musée d’Orsay et le 16 novembre au Cirque d’Hiver. Rencontre avec l’artiste aux mille talents pour parler de ses chansons empreintes de douceur et de nostalgie.

Toute la Culture : Si vous deviez nous présenter votre album… Qu’est-ce qui le distingue des précédents ?

Albin de la Simone : C’est difficile à dire… Je ne décide jamais de la thématique de mon disque à l’avance. Je me rends compte a posteriori de ce qu’il reflète, de ce que je traversais au moment de l’écriture. Celui-ci, j’ai remarqué qu’il était très centré sur le passé, le présent et l’avenir. Il parle évidemment d’amour aussi. Ce n’est pas étonnant d’un côté, le temps et l’amour ne sont-ils pas les pièces centrales de l’existence ?

Combien de temps avez-vous mis à l’écrire ?

Plusieurs années ! Mon dernier album de chansons fête déjà ses six ans. Un morceau a été commencé il y a huit ans, d’autres ont été écrits pendant ou après le premier confinement. Je suis capable de retravailler très longtemps des paroles avant qu’elles ne me conviennent totalement.

Pas mal d’années se sont effectivement écoulées depuis votre dernier album. Comment avez-vous senti que c’était, pour vous, le moment d’en sortir un nouveau ?

L’album était quasiment prêt et le musée d’Orsay m’a contacté en juin dernier. Il m’a proposé d’être l’invité d’honneur de son exposition Manet/Degas, prévu pour fin mars. Les concerts ont été programmés et là, je me suis dit “Il y a des concerts, maintenant, il faut finir le disque !”. L’exposition m’a inspiré une dernière chanson à partir de deux tableaux de la collection. Je l’ai écrite au mois de juillet. Et après, tout s’est précipité grâce à cette super échéance.

Vous allez chanter au Musée d’Orsay, mais aussi au cirque d’Hiver en novembre. Pourquoi avoir fui les salles de concert plus classiques ?

Parce que j’avais envie de vivre d’autres expériences. Les autres salles, je les connais bien pour y avoir chanté plusieurs fois. Je n’aurais pas eu l’impression de vivre quelque chose d’exceptionnel, et le public non plus. Alors que le musée d’Orsay, c’est unique ! Et le Cirque d’Hiver parlera à toutes les personnes de ma génération : Jacques Higelin et Guy Denys y ont fait des concerts mythiques. C’est mon Olympia à moi. Je viens d’Amiens, où il y a aussi un cirque d’hiver. J’y ai vu tous les concerts de mon adolescence. C’est dans un cirque que mon amour pour la musique est né !

Et un cirque a aussi quelque chose d’assez nostalgique, il se rapporte à l’enfance…

Absolument ! Et ça sent une odeur particulière, qui n’est pas celle d’une salle de concert. J’aime beaucoup aussi que le public soit tout autour de moi et en hauteur. Alors oui, il y a moins de places que dans un zénith. Mais l’ambiance y est particulière. J’aime bien l’idée que c’est un peu comme si je chantais dans une grande louche.

Vous avez chanté plusieurs morceaux en duo, notamment aux côtés d’Alain Souchon ou de Vanessa Paradis. Dans ce nouvel album, il n’y en a qu’un seul, avec le chanteur brésilien Rodrigo Amarante.

À chaque fois que je sors un album, je me dis que je peux m’offrir un duo avec quelqu’un que j’aime. Rodrigo vit aux États-Unis et je ne le connaissais pas personnellement. Mais j’adorais ce qu’il faisait. On s’est rencontré brièvement à la sortie d’un de ses concerts. Et quelques jours après, je lui ai écrit pour savoir s’il voulait faire un duo avec moi. Il a accepté ! Je lui ai envoyé le morceau qu’il a chanté en entier. J’ai fait pareil de mon côté puis j’ai découpé et monté la chanson finale. On ne s’est pas vu depuis mais j’espère un jour pouvoir faire ce duo en vrai !

Dans cet album, y a-t-il un morceau qui vous tient particulièrement à cœur ?

Chaque chanson a son histoire… Mais j’ai beaucoup d’affection pour “Mireille 1972”. Ce morceau est inspiré de deux tableaux, La Prune d’Edouard Manet et L’Absinthe d’Edgar Degas. Ils représentent tous les deux une femme seule au bar, très mélancolique, qui cherche du réconfort dans une boisson alcoolisée. En les voyant, je me suis demandé : À quel moment une femme peut-elle vivre seule quelque chose d’aussi douloureux ? Une douleur qu’elle ne peut partager avec personne ? J’ai alors pensé à ces femmes qui avortaient dans des pays où le droit à l’avortement recule – comme aux États-Unis – ou celles qui vivaient à une époque où cet acte était illégal. Ça a été un casse-tête terrible pour écrire cette chanson et y mettre toutes les nuances que je voulais y mettre. Surtout que c’est une thématique qui se chante difficilement. Comment dire “elle a avorté” en chanson ? J’ai choisi “ne pas le garder”. Mon travail est toujours de trouver la phrase la plus simple pour expliquer quelque chose de complexe. Et pour le choix du prénom, je voulais que ce soit celui d’une femme qui aurait eu la vingtaine ou la trentaine en 1972. Sylvie, Corinne, Mireille… C’est bien Mireille, non ?

Pochette de l'album "Les cent prochaines années" d'Albin de la Simone.
Pochette de l’album “Les cent prochaines années” d’Albin de la Simone.

Les cent prochaines années écrit et composé par Albin de la Simone. En concert au musée d’Orsay les 5, 6 et 7 avril (complet) et le 16 novembre au Cirque d’Hiver. 

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Jérémie Laurent-Kaysen
Après deux années de classe préparatoire en Lettres et une licence Humanités, lettres et sciences humaines, il réalise actuellement un Master de Journalisme Culturel à Paris X. Il est rédacteur pour Toute La Culture depuis novembre 2019.

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