
Des Boréades éblouissantes à l’Opéra de Dijon
Avec Emmanuelle Haïm à la tête de son Concert d’Astrée, des voix sublimes et une mise en scène en blanc de Barrie Kosky, les Boréades de Rameau rendent hommage à l’amour et au baroque française.
Merveilleusement dirigé par Emmanuel Haïm, le Concert d’Astrée livre un Rameau tout en nuances et haut en couleurs.
À temps très vif, le rythme laisse aussi au public le temps de respirer avant de replonger dans la matière soyeuse de la musique. Spatialisées dans la deuxième partie pour nous envelopper entièrement les voix saisissent, impressionnent et charment. Les chœurs du Concert d’Astrée atteignent la perfection. Du début à la fin, les accords du duo Hélèn Guilmette/ Mathias Vidal forcent l’admiration: la chanteuse canadienne nous retient complètement captif dès son premier air « un horizon serein », le duo nous bouleverse à la fin du deuxième acte, et le mot de la fin revient à Mathias Vidal avec « L’amour embellit la vie ».
A leurs côtés, en nymphe mutine et porteuse de la fameuse gavotte « C’est la liberté qu’il faut que l’on aime », Emmanuelle de Negri danse aussi bien qu’elle chante et dégage un charisme puissant. En Adamas et Àpollon, aussi bien à visage découvert que sous un masque aux oiseaux saisissant, Edwin Crossley-Mercer nous enveloppe de son timbre chaud dans une diction parfaite : « L’aurore a fait son cours » est un moment d’autorité suave. Enfin, en Borilée, Yoann Dubruque fait entendre avec majesté le son de la loi du royaume. Un respiration du devoir, que Christopher Purves exprime par un souffle inaugural en Borée.
Du côté de la mise en scène, l’australien et directeur artistique du Komisches Oper de Berlin, Barrie Kosky, a fait le choix de l’épure avec une scénographie très graphique : un parallélépipède central qui se ferme pour devenir mur blanc de projection. Et qui s’ouvre pour devenir scène. Du coup, avec leurs costumes et leurs mouvement ce sont les chanteurs, les chœurs et les danseurs qui font tout le décor. C’est une riche idée que de les voir tous bouger, notamment quand, dans la deuxième partie l’ambiance se fait plus expressionniste, à grands renforts de jeux d’ombres, de cendres sur scène ou de mains qui s’allongent de gants noirs griffus. Ça bouge d’ailleurs tellement tout le temps et on n’a tellement pas le temps de s’ennuyer en 3 heures de musique baroque, qu’on apprécie la pause finale où sur le dernier moment musical, l’on assiste simplement à la fermeture lente de la structure centrale.
Un spectacle inspiré, qui magnifie Rameau et ses allégories et qui permet de redécouvrir ces Boréades, leurs airs, leurs intermèdes comme un combat courageux qui résonne encore aujourd’hui.
Note : Après Dijon, retrouvez cette version des Boréades au Komisches Oper de Berlin, qui l’a coproduite
visuel : Gilles Sabbegh