Le pressionnisme à la Pinacothèque de Paris, digne réhabilitation du graffiti sur toile
Jusqu’au 13 septembre, la Pinacothèque de Paris déroule le tapis rouge aux pionniers du graffiti sur toile, un art trop longtemps méprisé et pourtant véritable « Ecole » et révolution artistique de la seconde moitié du XXè siècle.
Ce n’était il n’y pas si longtemps. Le street art ou art urbain était pris de haut par un marché de l’art élitiste, sûr de ses goûts et désireux de ne pas se faire bousculer par une révolution artistique alors que l’art n’a été qu’une succession d’audaces et de nouveaux styles.
Pourtant les graffitis ne sont pas que des images qui narguent en couleur la grisaille des façades de bâtiments épuisés, d’entrepôts flétris par l’abandon et des wagons restés à quai. Mais les fantasmes et les préjugés ont la dent dure contre le talent non conforme aux règles établies. Et lorsqu’une génération de jeunes artistes fiers et ambitieux avec des pseudonymes mystérieux débarque à partir des années 1970 aux Etats-Unis avec dans les mains des bombes aérosols pour écrire une nouvelle page de l’histoire de l’art, on les prend pour des délinquants, des toxicomanes tout juste bons à exposer leurs problèmes à la police et à la justice mais pas à exposer leurs toiles dans les galeries. Alors ils sont relégués pendant des années à la marge du marché de l’art, sur la scène underground.
Jusqu’au 13 septembre 2015, la Pinacothèque de Paris lave cet affront et déroule sous nos yeux les plus belles heures du pressionnisme, en référence à l’usage de la bombe aérosol comme nouveau médium. On découvre que les graffitis ont pris facilement leurs aises sur les toiles, souvent monumentales. Signes supplémentaires qu’il s’agit d’une véritable « école » de recherche et d’expérimentation au même titre que des mouvements antérieurs comme le cubisme et le surréalisme, certaines œuvres ont nécessité jusqu’à 5 ans de travail et les maîtres du graffiti sur toile n’ont pas hésité à utiliser d’autres supports parmi lesquels le métal d’origine des premiers wagons, le bois, le papier, le carton et même la moquette.
De fait, certains ont comparé les travaux de Lady Pink, Fab Five Freddy et autres Torrick Ablack et Rammellzee aux enlumineurs du Moyen-Age.
Cette excellente exposition rappelle aussi qu’en dépit d’une prise de conscience tardive, le pressionnisme a traversé l’Océan Atlantique pour l’Europe et le monde dans les années 80. C’est d’ailleurs au cours de cette décennie qu’Andy Warhol approche Keith Haring et Jean-Michel Basquiat, tous deux très proches du pressionnisme. Paris s’impose alors comme l’une des capitales du mouvement. Certains artistes travaillent à Saint-Germain-des-Prés. En 1991, le ministre de la Culture Jack Lang les convie au musée des Monuments français. Ce n’était il n’y a pas si longtemps mais même dans l’honneur et la gloire le temps est oublieux sauf la Pinacothèque et cette superbe exposition.
Christophe Dard
INFORMATIONS PRATIQUES
Le pressionnisme 1970-1990 Les chefs-d’œuvre du graffiti sur toile de Basquiat à Bando
Jusqu’au 13 septembre 2015
Pinacothèque de Paris
28 place de la Madeleine 75008 Paris
Ouverte tous les jours de 10h30 à 18h30
Nocturne les mercredis et vendredis jusqu’à 20h30
www.pinacotheque.com
01 42 68 02 01
VISUEL EN UNE
FAB FIVE FREDDY (Fred Brathwaite; Américain, né en 1959)
To the Very Essence of Charming Intelligence and Beauty
(Hommage à l’essence même de l’intelligence envoûtante et de la beauté)
1981
Peinture aérosol sur toile
128 x 174 cm
Collection privée, Paris
© Photo: Pierre Guillien – Studio Objectivement