
“Amours” de Léonor de Récondo : le roman bourgeois revisité
Après le remarqué Pietra Viva, autour de la figure de Michel-Ange, Léonor de Récondo change de registre et se coule dans un genre emblématique de la littérature française, le roman bourgeois.
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Léonor de Récondo a plus d’une corde à son arc – ou à son archet, devrait-on dire -, puisque la jeune femme mène de front une carrière d’écrivaine et de violoniste de premier plan. Il serait tentant de filer la métaphore pour décrire la musicalité de sa langue, sa délicatesse dans les nuances. Oui, Léonor de Récondo manie les mots avec une plume à la fois légère et intense.
Dans cet opus intitulé Amours, nous sont contés les tourments intimes d’une famille de notables à la Belle-Époque. Si l’auteure met Mme Bovary entre les mains de son héroïne, ce glissement du XIXe siècle vers le début du siècle suivant l’aide sans doute à introduire une certaine audace dans ces relations, puisque l’héroïne se retrouvera à un moment donné à partager la couche inconfortable de sa bonne.
Cependant, on peine à suivre Léonor de Récondo jusqu’au bout : après une mise en place presque scolaire – la Ford Model T, les robes sans corset de Poiret, Maxim’s, autant de détails qui semblent vouloir sursignifier l’époque -, le lecteur reste sur le bas-côté lorsqu’elle essaie de se mettre au sens propre dans la peau de la bonne, et de restituer le rapport de cette dernière à sa nudité, à la sexualité, à la maternité. Le rythme soutenu du récit, la volonté d’une langue moderne semblent peser sur la justesse des personnages.
Les prénoms prennent en revanche tout leur sens au terme du roman : Victoire aura tout gagné dans cette aventure hors castes, démontrant sa respectabilité et sa capacité à être mère, non sans avoir découvert les plaisirs de la chair, quand la bonne Céleste, acculée au suicide, n’aura eu que la Vierge restée aux cieux pour l’accueillir.
Il nous tarde juste de retrouver Léonor de Récondo sous des cieux plus ambitieux, comme dans ses précédents ouvrages, Rêves oubliés et Pietra Viva.
“Il la serre une fois encore, puis remet sa casquette, et repart rapidement. De la vie, on ne garde que quelques étreintes fugaces et la lumière d’un paysage.” p. 275
Amours, Léonor de Récondo, 2015, Sabine Wespieser, 276 p., 21€.
Visuels : © Emilie Dubrul