
Live report: Master class de Michael Haneke au Forum des images (13/10/2012).
Samedi soir, le Forum des Images à Paris a accueilli le réalisateur hongrois Michael Haneke pour une rencontre exceptionnelle avant la sortie de son film Amour – Palme d’or à Cannes. Animée par Pascal Mérigeau, la masterclass a rassemblé une salle comble à l’écoute du maître hongrois de la mise en scène couronné de deux palmes d’or.
A 18 heures piles, Michael Haneke fait son entrée dans la grande salle du Forum, chaleureusement applaudi par une salle de plus de 350 personnes et pas un fauteuil vide. Pascal Mérigeau avertit le public avec un sourire: il n’y aura pas de retard car Monsieur Haneke se rend à l’Odéon à 20 heures. Le réalisateur hongrois s’est exprimé pendant une heure et demie dans un français impeccable.
“C’est le cinéma qui m’a choisi” confie Haneke au début de la masterclass. Le réalisateur aux deux palmes d’or (le Ruban blanc, 2009 Amour, 2012) est revenu avec simplicité et humour sur son parcours entre théâtre, télévision et cinéma, sans oublier de mentionner l’opéra pour lequel il prépare une mise en scène. Issu d’une famille d’acteurs, Haneke rappelle que la scène était dans ses gènes. Mais le cinéma n’est pas venu tout de suite. Il pense à devenir écrivain et musicien. Son premier poste de lecteur pour la télévision le guide vers le monde de l’image. Haneke y développe une forte conscience de l’écriture pour la scène en lisant quantité de mauvais scénarios. C’est selon lui la meilleure façon d’ apprendre à écrire.
Un point de vue humain dans la mise en scène
C’est le fil qui court durant l’entretien avec le “le plus grand metteur en scène vivant”, selon les mots de Pascal Mérigeau. Retrouver l’authenticité par la mise en scène pour donner une vraie image de la vie. En évoquant son rapport à la télévision et la représentation de l’actualité, Haneke explique que les médias livrent une fausse image de la vie. Son travail consiste à chercher une vérité cinématographiques grâce à la mise en scène pour se rapprocher de la réalité. Impossible pour Pascal Mérigeau de ne pas revenir sur le sujet de la violence dans les films d’Haneke: on se souvient de Funny Games (1997) conçu par le réalisateur comme une provovation aux spectateurs consommateurs de films violents. Pour Haneke, on peut tout montrer, toutes les situations mais la question est “comment”. Dans ce comment, Haneke cherche à redonner sa place à l’imagination du spectateur. Le metteur en scène ne cherche pas à montrer une violence crue à l’image, ce serait “dégueulasse” mais il laisse à la “fantaisie” (fantasy en anglais: imagination) du spectateur la liberté de construire cette violence.
A travers deux extraits de ses films primés Le ruban blanc et Amour, le réalisateur est revenu sur ses choix techniques tels que le noir et blanc et le plan-séquence mais aussi sur le métier d’acteur. Dans Le ruban blanc, le noir et blanc est un moyen de mieux s’approcher de la réalité de l’époque (les photos étaient alors en n&b) mais aussi un artifice visuel qui permet au spectateur de prendre ses distances avec ce qu’il voit.
Pour Michael Haneke, “un film, c’est un bon scénario et un bon casting”. Ndlr: Haneke a vu 7000 visages d’enfants pour Le ruban blanc afin de retrouver les visages de l’époque. Le réalisateur a tourné avec une grande actrice comme Isabelle Huppert (La pianiste, 2001) mais aussi avec des enfants. Alors qu’il fait répéter les enfants acteurs non professionnels, les adultes ne répètent jamais devant la caméra pour éviter que l’acteur professionnel joue son interprétation du rôle et non le rôle. Le court extrait d’Amour a attiré l’attention de la salle sur deux superbes acteurs que l’on retrouvera en salle prochainement dans Amour: Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva.
Enfin, Michael Haneke nous a donné sa vision d’enseignant du cinéma (à la Film Academy de Vienne). Un travail difficile qui lui tient à coeur: accompagner les élèves et les aider à trouver leur force qu’ils ne connaissent pas encore eux-mêmes. Pascal Mérigeau a clot la séance avec un grand “Merci” et Michael Haneke a disparu derrière le rideau aussi vite qu’il était apparu.
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Edwige de Montalembert
Visuel : (c) Edwige de Montalembert